Recommandations pour une vision africaine commune sur les minerais de transition

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Pour tirer le meilleur parti du boom des minerais de transition, les dirigeant·e·s africain·e·s doivent s’unir et agir de toute urgence pour faire en sorte que le marché émergent de ces minerais soit bien réglementé, transparent, juste et équitable. 

Le monde doit cesser de brûler des combustibles fossiles. Le changement climatique est déjà en cours et pour éviter les pires conséquences, nous devons accélérer la transition vers une énergie plus propre et plus sûre. 

En adoptant des technologies d’énergie renouvelable, le monde troquera sa dépendance à l’égard d’une série de ressources naturelles contre une autre. On estime que la production de minerais tels que le cobalt, le lithium, le nickel et le cuivre devra être multipliée par six pour permettre la production, le transport, le stockage et l’utilisation de l’électricité produite par des sources plus propres telles que le vent, l’eau et le soleil. 

Le continent africain abrite une grande variété de ces minerais. 19 % des réserves mondiales de métaux nécessaires à la fabrication d’un véhicule électrique standard alimenté par batterie se trouvent en Afrique. On estime que la République démocratique du Congo possède à elle seule 60 % des réserves mondiales de cobalt. La Zambie est classée septième producteur mondial de cuivre, le Zimbabwe est le sixième producteur de lithium, tandis que Madagascar et le Mozambique possèdent d’importants gisements de graphite.

S’ils sont bien utilisés, les revenus de l’extraction des minerais de transition pourraient être le tremplin du développement des pays africains.

Mais l’extraction des minerais en Afrique est déjà en proie à la corruption, à l’opacité, aux dommages environnementaux et aux violations des droits humains. L’exploitation minière se fait souvent au détriment de la santé et des moyens de subsistance des populations locales. Les recherches indiquent que les femmes et les filles africaines sont touchées de manière disproportionnée par l’exploitation minière, ainsi que les communautés locales et les travailleur·euse·s des secteurs miniers artisanaux et de petite échelle.

Des accords secrets ayant un impact sur des populations entières sont conclus entre les entreprises et les gouvernements, sans que les citoyen·ne·s aient la possibilité de contrôler et de participer à la prise de décision. En conséquence, les revenus de l’extraction profitent souvent à un cercle restreint de personnes et ne se traduisent pas par une amélioration des moyens de subsistance des populations africaines. Les flux financiers illicites pèsent sur les budgets des pays, d’énormes quantités de capitaux étant captées par les élites politiques et commerciales et quittant massivement le continent.

La concurrence féroce, la demande et la recherche du profit dans la ruée vers les minerais de transition vont accroître la pression sur les pays producteurs africains pour qu’ils accélèrent l’octroi de licences et ouvrent l’exploitation minière dans des zones sensibles et à haut risque. Cela laisse le processus ouvert à la corruption et aggrave les violations des droits humains et de l’environnement, en particulier la pollution et la contamination de l’eau et de la terre, qui affectent gravement la santé des travailleur·euse·s et des populations environnantes. 

L’Afrique est également confrontée au défi de voir la plupart de ses minerais essentiels quitter le continent pour être traités ailleurs, les pays africains ne disposant souvent pas des connaissances techniques nécessaires pour assurer l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. De plus, les sociétés minières n’investissent pas toujours dans le personnel et les biens locaux, ce qui prive les pays africains d’une partie de leurs ressources.

Une exploitation des minerais de transition entachée de mauvaise gouvernance, de corruption, de surconsommation et de peu d’intérêt pour les populations et l’environnement, ne fera que répéter l’exploitation et les injustices du passé, et exposera le continent africain à un risque accru de pauvreté et d’instabilité, ainsi qu’à une augmentation des violations des droits humains et des dommages environnementaux.

Les dirigeant·e·s africain·e·s doivent s’unir et agir de toute urgence pour assurer que le marché émergent des minerais de transition soit bien réglementé, transparent, juste et équitable. Cela nécessite un effort coordonné urgent pour transformer la manière dont les minerais sont extraits, traités et consommés, en plaçant les populations africaines – et les communautés locales en particulier – au centre de toute décision qui les concerne.

Pour garantir une extraction, un approvisionnement et un traitement responsables des minerais de transition qui contribuent à une transition énergétique réussie en Afrique, les gouvernements, les entreprises, les institutions internationales et les investisseurs doivent :

 

Placer les personnes et la planète au cœur du processus : 

  • Fonder toutes les décisions relatives à l’extraction sur une évaluation globale des coûts et avantages réels de l’extraction et du traitement des minerais. Cette démarche ne se limite pas aux revenus, mais vise également à étudier les répercussions sur les personnes, l’environnement, la biodiversité et le climat, au travers d’études et d’enquêtes sociales et économiques objectives et approfondies, y compris des consultations directes et inclusives des personnes et des communautés touchées sur le terrain. 
  • Respecter les zones d’exclusion minière pour protéger les personnes et l’environnement dans les zones à haut risque.
  • Garantir une consultation et une participation significatives et inclusives de toutes les communautés touchées directement ou indirectement par l’exploitation minière. L’obligation d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones doit être perçue en tant que priorité et respectée, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Leur droit de donner ou de refuser leur consentement doit être garanti à tous les stades de l’extraction.
  • Extraire uniquement les minerais conformément aux normes internationales les plus rigoureuses en matière de droits humains et de l’environnement, au moyen d’une diligence raisonnable, transparente et respectueuse de l’égalité de genre. 
  • Réglementer et surveiller le secteur de l’exploitation minière artisanale et de petite échelle, afin de protéger les travailleur·euse·s contre les violations des droits humains et de lutter contre la corruption.
  • Garantir un contrôle efficace et indépendant des dispositifs de réclamation ainsi que des mesures d’atténuation et de correction mises en place par les entreprises.
  • Soutenir un moratoire mondial sur l’exploitation minière en eaux profondes, jusqu’à ce que des recherches scientifiques adéquates soient entreprises pour comprendre les impacts sur la biodiversité des eaux profondes, et veiller à ce que la prise de décision au niveau international, y compris émanant de l’Autorité internationale des fonds marins, soit transparente, responsable, inclusive et participative.
  • Élaborer et donner la priorité aux approches minières qui minimisent les répercussions sociales, environnementales et climatiques. Pour ce faire, il est nécessaire de coopérer pour concevoir des solutions et des technologies circulaires qui réduisent la consommation globale de minerais de transition, favorisent la réutilisation des matières et réduisent l’empreinte carbone du secteur.

 

Renforcer la gouvernance et la lutte contre la corruption :

  • Adopter et défendre la divulgation exhaustive des contrats et des licences (notamment les annexes), des paiements aux gouvernements au niveau des projets par les sociétés minières et les négociant·e·s en matières premières et des informations sur la propriété réelle, ainsi que la transparence dans la passation des marchés de biens et de services. La norme de l’ITIE constitue un point de départ pour garantir la transparence de l’extraction minière.
  • Veiller à ce que les sociétés minières divulguent des informations complètes sur leurs activités de responsabilité sociale des entreprises (RSE), et que ces dernières soient fondées sur les besoins réels des populations.
  • Identifier et atténuer explicitement les risques de corruption dans toutes les activités et opérations, en accordant une attention particulière aux processus à haut risque tels que l’octroi de licences, de permis et d’autorisations, les marchés publics, la vente et le commerce de matières premières, et les entreprises d’État. Le Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais, l’outil d’intégrité des entreprises du secteur minier responsable et l’outil d’évaluation des risques de corruption des prix miniers de Transparency International sont des points de départ pour initier ce travail.
  • Mettre en œuvre le principe de diligence raisonnable en matière d’intégrité, y compris les critères relatifs aux personnes aptes et appropriées, pour tou·te·s les participant·e·es à la chaîne d’approvisionnement en minerais.
  • Publier systématiquement les rapports d’Étude d’Impact Environnemental et Social et veiller à ce qu’ils soient réellement utilisés comme outil de prise de décision sur la manière et le lieu d’opérer.
  • Mettre en œuvre des cadres juridiques pour protéger les droits des militant·e·s, des lanceur·se·s d’alerte, des défenseur·se·s des droits humains et des terres, des journalistes et des médias indépendants, et démanteler les lois et les politiques qui entravent la liberté de la société civile et des médias.

 

Assurer une transition équitable à l’échelle mondiale :

  • Empêcher les élites politiques et commerciales de s’emparer des minerais de transition pour leur profit personnel. Cette pratique réduit les avantages pour les citoyen·ne·s, creuse et maintient les inégalités et augmente les coûts des minerais de transition.  
  • Mettre en œuvre une gestion transparente et équitable des revenus et des taxes, notamment la planification de la volatilité des revenus. Assurer la création de fonds spécifiques dédiés aux revenus des activités minières, permettant un meilleur suivi et une meilleure traçabilité de ces fonds.
  • Affecter les revenus à des projets de développement durable qui favorisent une transition juste et une diversification économique, et veiller à ce que les communautés de première ligne, en particulier les femmes, tirent profit de l’exploitation minière. 
  • Veiller à ce que les minerais de transition soient le moteur d’une transition énergétique juste pour tous les pays, et pas seulement les pays développés. Il s’agit notamment de garantir un soutien et des investissements au niveau mondial pour permettre aux pays producteurs de développer des économies plus fortes et de créer de l’emploi, par exemple par le biais du traitement des minerais de transition dans le pays, et de l’approvisionnement local. 
  • Donner la priorité aux politiques et aux investissements visant à réduire la consommation, notamment en augmentant le financement et les ressources pour les transports publics, l’efficacité énergétique et d’autres initiatives de réduction de la demande, et en investissant dans le recyclage et la réutilisation des matériaux.
  • Instaurer et renforcer des espaces mondiaux, nationaux et locaux sûrs pour que les personnes s’engagent significativement en faveur de la politique et de la législation en matière de transition énergétique, en accordant une attention particulière aux espaces destinés aux groupes traditionnellement marginalisés tels que les femmes et les minorités de genre, les peuples autochtones, les minorités ethniques et les jeunes.

 

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