Rapport de suivi des investissements publics dans le domaine de la santé (exercice 2015) : 27% des projets ont effectivement bénéficié des fonds décaissés

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Pointe-Noire, le 14 février 2017. Publiez ce que vous payez – Congo-Brazzaville a présenté, au Centre Sueco de Pointe Noire, à la presse, aux représentants des organisations de la société civile et des administrations publiques concernées, son troisième rapport de suivi des investissements publics dans le domaine de la santé portant sur l’exercice 2015. Ce rapport révèle que seuls 27% des projets pour lesquels des sommes ont été décaissées ont effectivement bénéficié de ces fonds.

Les rapports précédents de Publiez ce que vous payez – Congo sur les investissements publics des exercices cumulés 2011-2012-2013 et de 2014, portaient sur les prévisions budgétaires allouées au Ministère de la Santé et de la Population, et avaient été dans l’ensemble bien accueillis par le public et les administrations. Pour cette nouvelle étude, Publiez ce que vous payez – Congo a travaillé sur la liste des investissements pour lesquels des mandats ont été émis – c’est-à-dire pour lesquels des sommes ont été réellement décaissées.

La réalisation de cette étude a permis de renforcer préalablement les capacités des membres du réseau de veille citoyenne sur la question des investissements publics. En particulier, 160 personnes ont été formées dans 08 départements, et à l’issue des formations, 24 observateurs ont été sélectionnés pour visiter 22 projets. Il sied cependant de noter que les 3 projets prévus dans le Pool n’ont pas été visités, à cause de l’insécurité qui prévaut dans le département depuis la crise postélectorale. En outre, 38 projets d’équipement (médicaments, matériel technique, matériel informatique, réactifs etc.) ont fait l’objet de questions au Ministère de la Santé mais n’ont pas pu faire l’objet d’une évaluation puisque les intitulés n’indiquaient pas la structure sanitaire bénéficiaire. Les équipes de volontaires ont également visité 16 projets d’investissement et d’équipement prévus au budget 2014.

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Le travail de suivi budgétaire dans le domaine particulier de la santé que la coalition réalise depuis 2014, vise à rechercher des solutions pour que l’accès aux soins de qualité devienne une réalité. Le Congo consacre des sommes très importantes à la santé – deuxième poste budgétaire des investissements exécutés en 2015. Il se trouve cependant que les efforts réellement consentis et les résultats observés sur le terrain ne sont pas proportionnels à ces annonces.

Au terme de l’étude, Publiez ce que vous payez – Congo a noté très peu d’améliorations dans l’exécution de la dépense dans le domaine de la santé en 2015 et la démarche de la campagne a abouti aux conclusions suivantes :

1. Dans seulement 27% des projets pour lesquels des sommes ont été décaissées, les observateurs ont pu témoigner de l’utilisation des fonds pour la réalisation du projet prévu. En revanche, dans 41% des cas, malgré le décaissement de fonds prévus à cet effet, aucun signe de leur utilisation au profit de la structure bénéficiaire n’a pas pu être observé. Publiez ce que vous payez – Congo a identifié plusieurs facteurs :
    a. Les fonds n’arrivent pas, ou pas entièrement, à destination ;
    b. Les retards de décaissement entraînent l’arrêt des chantiers ;
    c. Les chantiers ne sont pas assez suivis par l’administration et certains sont laissés à l’abandon ;
    d. L’impunité des agents publics et des opérateurs empêchent une rupture dans les pratiques de mauvaise gestion, de clientélisme et de détournement.

2. Pour 9% des projets visités, aucune information fiable n’a pu être obtenue, par manque de coopération de la part des responsables de structures, ou par manque de retour de la part du Ministère de la Santé et de la Population.

3. Le budget du Ministère de la Santé souffre d’une mauvaise programmation, notamment parce que :
    a. Les projets ne font pas l’objet d’études préalables de faisabilité ;
    b. Le volume des investissements est surévalué. Par exemple, des projets sont budgétisés plusieurs années de suite mais ne démarrent jamais;
    c. Les départements ne sont pas traités équitablement ;
    d. La politique de construction des hôpitaux généraux dans tous les départements a été complètement sous-évaluée, et s’est faite au détriment des structures de santé de proximité.

4. Le budget n’est pas mis à la disposition du Ministère de la Santé dès le début de l’année. De plus, les modifications en cours d’année rendent difficile l’exécution du budget.

5. Publiez ce que vous payez – Congo salue les signes d’ouverture de la Ministre de la Santé2 et espère que ce dialogue se poursuivra et permettra de faciliter l’échange d’informations.

6. Cependant, une grande opacité règne toujours autour des questions budgétaires :
    a. A Brazzaville, la plupart des responsables de structures de santé ne souhaitent pas communiquer sur ce sujet ;
    b. L’information circule difficilement au sein de l’administration et aux différents niveaux décentralisés.

7. Entre 2013 et 2016, le budget alloué à la santé a légèrement augmenté.

8. Durant la même période, le budget de la défense a augmenté de 84% (+13% pour les investissements) tandis que celui de l’enseignement a diminué de 19% (-52% pour les investissements).

Recommandations

Au Ministère de la Santé et de la Population :
    – De rendre publics les documents relatifs au budget et aux investissements prévus pour chaque exercice budgétaire ;
    – De publier semestriellement des rapports d’exécution du budget ministériel ;
    – De lutter contre la corruption et les détournements de fonds dans son ministère et prendre des sanctions contre les agents qui se rendraient coupables de telles pratiques ;
    – De mettre en œuvre les pratiques contenues dans les directives CEMAC concernant les budgets – programmes ;
    – D’élaborer les budgets annuels d’investissement selon des états des besoins demandés aux Directions Départementales et aux principales structures de santé, tout en arbitrant afin d’obtenir un budget réaliste et réalisable ;
    – D’allouer davantage de moyens aux missions de suivi des projets ;
    – Assurer l’affectation et la disponibilité du personnel médical à travers l’ensemble du pays ;
    – Assurer le développement et l’approvisionnement en matériel des structures de santé de proximité ;
    – De lancer un chantier de raccordement systématique des structures de santé aux réseaux d’eau et d’électricité, ou d’assurer leur autonomie en énergie (si possible renouvelable) dans les zones rurales.

Au Ministère en charge des finances :
    – D’élaborer des lois de finances réalistes et de prévenir les modifications substantielles en cours d’année ;
    – D’accompagner les lois de finance rectificatives d’un récapitulatif de l’exécution du budget en cours, comme le prévoit la loi ;
    – De publier les lois de règlement selon les délais prévus par la loi ;
    – De publier semestriellement des rapports d’exécution du budget de l’Etat ;
    – De tout mettre en œuvre pour que les ministères puissent disposer de leurs budgets respectifs dès le 1er janvier de chaque exercice budgétaire ;
    – D’allouer davantage de moyens aux missions de suivi des projets, notamment pour les secteurs sociaux.

Contacts presse
Christian Mounzeo, coordonnateur, et président de la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (RPDH) – 05 595 52 46

Brice Mackosso, coordonnateur adjoint, et secrétaire permanent de la Commission Diocésaine Justice et Paix de Pointe Noire – 05 557 90 81

Le rapport est disponible ici.

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