Les industries extractives dans un monde en proie à des contraintes en matière de climat et de ressources

Il y a deux semaines, une initiative internationale de premier plan sur la transparence dans le secteur des industries extractives s’est réunie à Lima au Pérou. C’était la première fois que l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE) se réunissait en Amérique latine pour sa conférence mondiale depuis que l’initiative a été fondée en 2003.

La semaine dernière, une militante célèbre des droits des autochtones et de l’environnement, Berta Cáceres, a été assassinée au Honduras. Connue pour son opposition de longue date au plus grand projet hydroélectrique de la région, les quatre barrages géants d’Agua Zarca, Berta a été assassinée dans son propre domicile par des hommes armés. Gustavo Castro, un activiste luttant contre les projets miniers, était avec elle à ce moment-là et il est estimé qu’il était également la cible de l’attaque. Au moment de la rédaction du présent rapport, personne n’a encore été arrêté en relation avec le meurtre de Berta. La sécurité de Gustavo est en jeu.

La conférence de l’ITIE et le meurtre de Berta peuvent sembler n’avoir aucun rapport, mais ils montrent tous deux à quel point il peut être périlleux de s’assurer que l’exploitation des ressources naturelles – qu’il s’agisse du pétrole, du gaz, des minerais, des forêts, de l’eau, de la terre – soit réalisée en conformité avec les normes des droits de l’Homme convenues au niveau international, en particulier les principes de la participation, de la non-discrimination et de la reddition des comptes.

Alors que dans de nombreux pays riches en ressources les collectivités et les ONG se sont souvent exprimées contre les projets extractifs apportant peu, le cas échéant, d’avantages socioéconomiques aux populations locales, l’opposition contre ce qui est appelé l’« extractivisme » a toujours été la plus forte en Amérique latine.

Les critiques formulées par Berta contre les barrages d’Agua Zarca ne consistaient pas simplement à s’opposer à ce projet. Elle a remis en cause un modèle de développement fondé sur la dépendance toujours croissante à l’extraction de ressources naturelles limitées (l’« extractivisme »), au détriment d’autres modèles de développement plus durables, équitables et neutres en carbone. Pour Berta, cela comprend le droit pour les collectivités de refuser des projets d’envergure qui ont des effets négatifs importants sur leur vie. Berta n’est pas seule. Lorsque j’étais à Lima la semaine dernière, un groupe d’ONG d’Amérique latine a créé une campagne demandant à l’ITIE de s’assurer que l’impact éventuel que les activités extractives ont ou peuvent avoir sur les collectivités soit pris en compte. Ils ont demandé à l’ITIE d’exiger des sociétés pétrolières, gazières et minières la divulgation d’informations sur les enjeux sociaux, environnementaux et les coûts climatiques associés à leurs projets. Étant donné le potentiel de l’EITI, les ONG ont demandé à l’initiative de trouver un moyen d’inclure des informations sociales et environnementales dans sa norme mondiale et pour que l’ITIE définisse en quoi elle peut contribuer au débat sur le changement climatique dans le secteur.

Bien que la nouvelle norme de l’ITIE 2016, publiée pendant la Conférence mondiale de l’ITIE à Lima, reconnaît l’importance de la protection de l’espace civique et comprend un certain nombre d’autres perfectionnements utiles, elle reste remarquablement silencieuse sur les exigences en matière d’informations sur les impacts sociaux et/ou environnementaux des projets extractifs. À une époque où l’ITIE passe elle-même des « rapports à l’impact », et dans la foulée de la conférence climatique de Paris au cours de laquelle les gouvernements ont reconnu à l’unanimité l’urgence de la lutte contre les changements climatiques, il est surprenant pour une initiative concernée par la reddition des comptes d’une industrie avec une forte empreinte carbone de continuer à ignorer sa contribution aux risques climatiques et environnementaux. En octobre de l’année dernière, 35 ONG internationales ont écrit une lettre ouverte à l’EITI demandant à son conseil d’administration de modifier la norme afin de veiller à ce que les sociétés du secteur des combustibles fossiles dévoilent si leurs projets peuvent se poursuivre dans un monde où les températures varient de 1,5 ou 2 degrés. La lettre semble ne pas avoir eu de répercussions.

L’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE) vise à être une norme mondiale destinée à promouvoir la transparence et la responsabilisation dans la gestion des ressources naturelles et cherche à renforcer les systèmes gouvernementaux et d’entreprise, informer le débat public, et renforcer la confiance. Alors que les mesures prises pour inclure la protection des militants sont favorablement accueillies, des améliorations devraient être apportées pour que l’opinion des communautés puisse être vraiment prise en compte et pour que les économies émergentes aient une possibilité de se diversifier, ainsi que pour veiller à ce que l’initiative reflète les réalités économiques et juridiques de l’avenir durable, du changement climatique, des droits de l’Homme et de l’épuisement des ressources naturelles. À défaut, l’ITIE luttera pour demeurer pertinente dans un environnement géopolitique en évolution rapide.

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