Le Registre des combustibles fossiles, un élément essentiel pour une transition énergétique juste

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La crise COVID-19 a provoqué plus de perturbations au sein du système d’énergie mondial que n’importe quel autre événement récent, selon l’Agence internationale de l’énergie, laissant les pays et les communautés dépendant des combustibles fossiles plus vulnérables face à la diminution des prix et des demandes. À cela s’ajoute la menace des actifs délaissés après l’ère des combustibles fossiles, en un temps où l’adoption de politiques climatiques et l’accès à des énergies renouvelables à prix compétitif continuent d’augmenter. 

Malgré les risques qui se présentent et l’incertitude économique mondiale continue, les gouvernements à travers le monde entier ont investi d’importantes sommes dans les combustibles fossiles dans le cadre du redressement de de la crise causée par la COVID-19. Les nations du G20 par exemple, ont décidé d’attribuer davantage de fonds de stimulation dans les domaines du pétrole, du gaz et du charbon plutôt que dans les sources d’énergie renouvelable. Cela a lieu malgré le fait que les pays les plus riches disposent souvent d’une meilleure flexibilité pour garantir la transition de leurs économies vers des industries émergentes et durables que la plupart des pays du Sud. Un grand nombre de ces derniers dépendent des revenus générés par les combustibles fossiles pour développer leurs finances et faire face à des problèmes d’accès à l’énergie et à des besoins de développement économiques importants.

Une partie du défi est le fait que les risques ne sont actuellement pas comptabilisés. Il n’existe pas une seule base de données complète, accessible au public et vérifiée par les gouvernements concernant la production existante, prévue et potentielle des combustibles fossiles. Les pays, les investisseur·euse·s et la société civile se retrouvent donc avec des options limitées afin d’évaluer les risques climatiques et financiers des futurs investissements dans les combustibles fossiles ou afin de tenir compte de la contribution des différent·e·s acteur·trice·s au problème. Les efforts en vue de planifier et coordonner un futur plus diversifié, durable et prospère où aucun pays, communauté ou travailleur·euse n’est laissé·e pour compte sont par conséquent contenus. 

Sans aucun outil permettant d’augmenter la transparence et la redevabilité pour les conséquences du développement des combustibles fossiles, le Programme des Nations unies pour l’environnement estime que les pays ont des projets de combustibles fossiles prévus à des niveaux qui provoqueraient l’augmentation des émissions de 120 % d’ici 2030, plutôt que de limiter le réchauffement à 1,5 °C. Par ailleurs, la question de l’élimination de la production des combustibles fossiles représente un défi existentiel pour de nombreux États. L’Initiative Carbon Tracker a identifié 19 Etats dans lesquels plus de 400 millions de personnes sont très vulnérables à la transition du pétrole et du gaz, étant donné la dépendance des revenus de l’Etat face à la production des combustibles fossiles.

C’est pourquoi nos organisations, Climate Action Network South Asia et Power Shift Africa, font partie d’une coalition de partenaires qui ont appelé à la création d’un Registre mondial des combustibles fossiles. Tout au long de l’année 2021, les travaux sur le Registre se sont intensifiés, sous l’impulsion de Carbon Tracker et de Global Energy Monitor. Le Registre permettra aux gouvernements des pays de suivre et de communiquer des informations sur les réserves de combustibles fossiles, ainsi que sur la production historique et prévue de combustibles fossiles, exprimée en termes de dioxyde de carbone intégré dans chaque projet et site d’extraction. L’objectif est d’encourager les gouvernements à s’engager à participer au Registre et à communiquer leurs propres données, et à améliorer en retour les mesures nationales de transparence sur les combustibles fossiles, notamment en obligeant les entreprises à communiquer des informations afin de les rendre publiques pour la première fois. En conséquence, le Registre mondial des combustibles fossiles serait la source d’information la plus précise, la plus complète et la plus à jour sur les réserves et la production de combustibles fossiles. Il aura également une valeur normative importante, en tant que premier mécanisme international de transparence sur les combustibles fossiles – les gouvernements étant tenus de communiquer et de mettre à jour leurs données.

Les données incluses dans le Registre révéleront les conséquences climatiques de chaque projet pétrolier, gazier et charbonnier, afin que les gouvernements puissent commencer à corriger le tir en réduisant équitablement la production avant qu’il ne soit trop tard. Il mettra également en évidence le vaste potentiel d’actifs échoués, c’est-à-dire les projets qui deviendront financièrement non viables avant la fin de leur durée de vie prévue, en raison de la réduction de la demande de charbon, de pétrole et de gaz due à la fois aux politiques climatiques et à la baisse de compétitivité des coûts par rapport aux énergies renouvelables, aux véhicules électriques et à d’autres alternatives. Cela aiderait à déterminer la contribution des pays aux émissions de gaz à effet de serre et leur degré de responsabilité à assumer une part équitable de la solution. 

Un prototype du Registre mondial a été présenté par Carbon Tracker et Global Energy Monitor lors de la COP26 le 11 novembre 2021. Ce prototype constitue une source immédiate de données pour les chercheurs et les décideur·euse ·s et met en évidence les lacunes des informations existantes. Les parties intéressées sont invitées à accéder au Registre et à faire part de leurs commentaires, avant le lancement officiel du Registre complet début 2022.

La transparence et la redevabilité lors de la transition énergétique sont essentielles si nous voulons combler les besoins en développement et en énergie, tout en nous assurant d’une sécurité et d’une santé climatique. Cela représente également une première étape indispensable dans la cartographie d’une transition énergétique juste et équitable pour les pays et communautés qui dépendent actuellement des combustibles fossiles en tant que source de revenus et d’emplois. Un Registre mondial des combustibles fossiles peut être un point de départ et créer les fondations nécessaires permettant d’aboutir à un accord multilatéral sur l’élimination des combustibles fossiles, en ce compris un potentiel Traité de non-prolifération des combustibles fossiles ultérieur, pour aller vers des alternatives propres et faibles en émissions de carbone.

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