La transformation de l’approche en matière de sexospécificité pour la transparence dans les industries extractives commence en Afrique de l’Ouest

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Rendre les femmes visibles et trouver l’expertise sur les questions de genre dans leurs propres mouvements ont placé les coalitions Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) d’Afrique de l’Ouest à l’avant-garde du travail sur la sexospécificité dans les industries extractives. Mais il y a un long chemin à parcourir avant que les esprits et les méthodes de travail ne se transforment pour mieux prendre en compte la sexospécificité dans les façons de travailler.

Comment modifier un système qui est en grande partie « aveugle au genre » ?  C’est-à-dire, si les femmes sont systématiquement sous-représentées ou absentes des discussions, si le genre n’est pas à l’ordre du jour, et si les femmes sont rendues encore plus invisibles en ne désagrégeant pas de façon systématique les données collectées sur la base du genre, et en ne les utilisant par pour l’analyse.

Pour plusieurs (sinon la plupart) des groupes de la société civile qui cherchent à influencer la transparence de la gouvernance des industries extractives dans leurs pays, c’est une réalité. Et cela a conduit PCQVP à relever le défi et a mené des études dirigées par trois coalitions PCQVP en Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Guinée et Sénégal), rejointes par d’autres (Ghana, Nigeria et Togo) afin d’effectuer une analyse de la sexospécificité dans leurs propres coalitions et parmi leurs membres.  Ces analyses de la sexospécificité visaient à répondre à ceci : Comment se situe la participation actuelle des femmes et des hommes dans notre système ? Où y a-t-il des disparités en matière de genre et pourquoi ? Où réside une expertise existante sur le genre parmi nos membres dont nous pourrions collectivement tirer profit ?   

La « neutralité » relativement au genre enracine le status quo

De nombreuses publications signalent les inégalités inhérentes au secteur des industries extractives, avec des avantages et des risques partagés de façon injuste. Par conséquent, les politiques et les données aveugles au genre (considérées jusqu’à récemment comme « neutre au genre ») créent en fait des résultats négatifs en matière de sexospécificité pour les femmes en contribuant à maintenir ou à aggraver les déséquilibres de pouvoir existants, tout en omettant de soutenir les femmes en tant que force de développement.

D’autres facteurs peuvent aussi jouer un rôle. Une culture à prédominance masculine peut rendre les « accords à coup de tape dans le dos » entre les hommes plus acceptables. Pour réussir dans cette culture, les femmes peuvent avoir besoin de s’y adapter plutôt que d’utiliser leur voix pour exprimer leur solidarité avec les femmes plus marginalisées. Tout cela affecte la transparence, comme en témoigne l’ensemble des rapports des coalitions PCQVP.

Récemment, l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE) s’est impliquée plus fortement sur les questions de genre. Toutefois, il incombe aux pays de mise en œuvre de l’ITIE de mettre en pratique une approche transformative de la sexospécificité. Jusqu’à présent, tout est principalement resté au stade des intentions, et un article de blog antérieur de PCQVP soutient que les femmes ont été largement laissées de côté. Certains aspects de l’approche de recherche et les conclusions sont présentés ci-dessous :

Rendre visibles les disparités entre les sexes

Il est facile d’accepter le statu quo tant que les femmes sont la plupart du temps invisibles et les questions de genre (au-delà de la participation ou de l’habilitation des femmes) ne sont pas systématiquement analysées. C’est actuellement le cas. Une ventilation tenant compte du genre de la participation aux structures de gouvernance et de prise de décisions au sein de l’univers de l’ITIE n’est pas facilement disponible ; il n’est pas toujours clairement établi le pourcentage des femmes parmi les participants ou la représentation de groupes de femmes au niveau local lorsque des validations des rapports de l’ITIE ont eu lieu localement.

Les groupes multipartites (GM) – avec des représentants du gouvernement, des entreprises et de la société civile chargés de superviser la mise en œuvre de l’ITIE – comptaient de 7 % à 20 % de femmes. Certains GM en d’autres endroits ne comportaient aucune femme d’après les recherches de l’Institute for Multi-stakeholder Initiative Integrity (2015).

Une autre forme de rendre les femmes invisibles consiste à ne pas inclure des données désagrégées par sexe dans les rapports. Quand cela se produit exceptionnellement, les disparités entre les sexes signalées sont révélatrices. Par exemple, au Burkina Faso, le rapport ITIE 2016 a montré que les femmes occupaient moins de 3 % de tous les emplois créés par les entreprises minières (sans aucune autre analyse incluse, ou sans réactions des groupes de femmes sur le terrain). En outre, une comparaison dans l’ensemble d’un pays n’est pas possible, car jusqu’à maintenant, une ventilation des données par sexe n’est pas requise selon la norme ITIE.  

Faire en sorte que l’égalité des sexes soit discutée et donne lieu à des actions

Mais la participation inégale constitue seulement un aspect du problème. Le niveau de participation parfois étonnamment faible des femmes dans le processus de l’ITIE est souvent symptomatique d’inégalités entre les sexes plus larges, plus profondes et davantage structurelles, ce qui vaut aussi pour les déséquilibres de pouvoir. Ceci doit être analysé de manière holistique, en utilisant une approche prenant en compte tous les aspects de la sexospécificité.

Les groupes locaux de femmes, ainsi que des institutions publiques nationales chargées de défendre l’égalité des sexes (comme les ministères en charge de l’égalité des sexes, les groupes en charge de l’égalité des sexes au sein du ministère de la Planification, etc.), pourraient jouer un rôle complémentaire, PCQVP s’appuyant potentiellement sur ces connaissances pour les relier au secteur extractif. Plusieurs rapports de recherche publiés par les coalitions ont constaté des lacunes flagrantes entre le cadre politique national relativement bon pour la promotion de l’égalité des sexes d’une part, et l’absence totale de toute référence au sexe dans les cadres de réglementation de l’industrie extractive d’autre part.  

Les membres de PCQVP axés sur la sexospécificité, ou ceux qui travaillent sur l’autonomisation des femmes, pourraient jouer un rôle important dans la création de ces liens. Chacune des coalitions PCQVP participantes pourrait identifier au moins quelques membres ayant une expertise particulièrement pertinente s’agissant du genre. Bien que certains d’entre eux étaient antérieurement inactifs, le « buzz » lié à cette recherche a accru l’intérêt, avec quelques autres groupes ciblant la sexospécificité manifestant leur souhait de participer à ce travail.

Intégrer la sexospécificité dans la culture et l’ADN institutionnels.

Dans la recherche, nous avons développé une méthode pour la visualisation et le suivi des références sexospécifiques dans les principaux documents (plans de travail, plans stratégiques, reporting, etc.) afin de déterminer si l’égalité des sexes faisait vraiment partie de l’ADN institutionnel ou n’était mentionnée que pour la forme. Toute référence (ou publication dédiée) sur les questions de genre a été classée comme suit : aspirationnelle – ce qui signifie qu’elle constituait une recommandation ou une orientation, mais ne s’était pas encore produite ; normative – indiquant une certaine forme d’obligation (par ex. dans un code de conduite) ; informationalle – énonçant simplement un fait, comme des événements à venir ou une ventilation par sexe de la participation ; axée sur les résultats – prendre note des impacts ou des résultats en matière de sexospécificité ; et générée par la communauté – reflétant les commentaires et les données de ceux cotoyant le plus le problème sur le terrain.

Même si souvent des coalitions ont signalé une absence totale de références de genre dans les documents clés à ce stade – ou au mieux, ces références étaient aspirationnelles ou informatives-, l’idée est de continuer à utiliser cette classification pour déterminer comment ceci pourrait évoluer au fil du temps. Cela pourrait aussi être un moyen d’être mutuellement redevables dans le partenariat multipartite de l’ITIE.

En conclusion, des projets isolés sur le genre comme celui-ci ne peuvent clairement pas parvenir à intégrer la notion de genre de leur propre chef dans le processus de l’ITIE dans son ensemble. Néanmoins, cette recherche – dans le cadre d’un projet PCQVP plus vaste sur le genre financé par la fondation Hewlett – est susceptible de servir de premier déclencheur. Elle illustre comment les femmes ne sont pas seulement les victimes potentielles ou des bénéficiaires possibles des ressources extractives ou des opportunités économiques dans le secteur, elles sont également responsables du changement.  

Une approche sexospécifique des industries extractives régies de façon transparente demeure peut-être un objectif lointain, mais en Afrique de l’Ouest au moins, la façon de l’atteindre a déjà commencé à être étudiée.

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