Les femmes ont-elles été laissées pour compte dans dans l’agenda pour la transparence et la redevabilité?

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« Comment pouvons-nous changer le monde lorsque la moitié seulement est invitée ou se sent la bienvenue pour participer à la conversation ? »

Ces mots, prononcés en 2014 par l’Ambassadrice de bonne volonté d’ONU Femmes, Emma Watson, reprennent la thématique sous-jacente au nouveau projet pilote de deux ans de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) portant sur la notion de genre et le secteur extractif, qui est soutenu par la Fondation Hewlett. En commençant par l’un des principaux mécanismes de redevabilité et de transparence dans le secteur du pétrole, du gaz et de l’exploitation minière, le projet se penchera sur la façon dont l’Initiative De Transparence Des Industries Extractives (ITIE) pourrait être mis en œuvre de manière à garantir la participation active des femmes, y compris dans les processus de prise de décision au sujet de l’exploitation de leurs ressources naturelles. Lancé en réponse aux demandes des membres de PCQVP d’aborder l’impact sexué de l’extraction des ressources naturelles, le projet permettra de prendre en considération les expériences distinctes des femmes du secteur de l’extraction, et des processus de l’ITIE en particulier, afin d’informer les politiques de transparence et les réformes de gouvernance qui répondent le mieux mieux aux besoins et aux priorités des femmes.

Stephanie Rochford, directrice de l’engagement des membres au sein du secrétariat international de PCQVP, s’exprime au sujet des objectifs et de l’approche de PCQVP relativement à ce projet.

Dites-nous en plus sur les motivations de PCQVP d’avoir accepté ce projet et pourquoi il est important

Il y a un large consensus, comme souligné par les articles dans un numéro récent du journal Gender & Development d’Oxfam, selon lequel l’exploitation des ressources naturelles affecte différemment les femmes et les hommes, les femmes portant le fardeau des conséquences négatives telles que la dégradation de l’environnement, avec un accès limité aux avantages tels que l’emploi. Pourtant, il existe très peu d’études pour évaluer si les renseignements rendus disponibles à la suite de l’impulsion initiale en faveur de la transparence par des organisations comme PCQVP – y compris des données financières telles que les redevances, taxes et primes de signature – sont accessibles et utilisés par les femmes pour relever les défis auxquels elles font face en raison des activités extractives. Et savoir si ces renseignements sont pertinents dans l’information des politiques qui traitent de l’impact de ces activités extractives sur les hommes et les femmes ; ou si les femmes sont aussi habilitées que les hommes à participer, et à être entendues, dans les initiatives multipartites telles que l’ITIE.

Par exemple, les informations divulguées actuellement grâce à l’ITIE et aux lois sur la divulgation obligatoire des paiements sont essentielles pour l’éradication de la corruption et permettre aux citoyens d’évaluer si leur pays obtient une contrepartie équitable pour ses ressources naturelles. Cependant, il est devenu évident que ce que l’ITIE et d’autres initiatives de transparence et de redevabilité n’ont pas pris en compte dans leur théorie du changement est la mesure dans laquelle les femmes et les hommes ont différentes expériences de l’industrie extractive ; des capacités différentes d’utiliser et d’accéder à des données disponibles ; et, par conséquent, que différents types de données peuvent être nécessaires pour assurer que les droits des femmes soient traités par les politiques que ces initiatives de divulgation de données cherchent à influencer.

Si la divulgation des informations qui reflète les expériences distinctes des femmes continue d’être négligée par un mécanisme de transparence clé, alors il sera peu probable que des femmes puissent réellement participer à ce mécanisme, ou que des politiques conduisant à des changements réels pour les femmes touchées par le secteur soient élaborées.

Notre projet ne vise pas seulement à déterminer comment nous pouvons placer l’égalité entre les sexes au centre du travail sur la transparence et la reddition des comptes que les coalitions PCQVP accomplissent avec les communautés touchées par les activités extractives. Nous nous penchons également sur nos propres processus institutionnels, ainsi que sur ceux de l’ITIE, pour comprendre comment nous pouvons placer une perspective du genre à la tête de nos propres organisations. Même un coup d’œil à la proportion de femmes qui siègent aux conseils nationaux de l’ITIE, connus sous le nom de groupes multipartites (GM) et composés de représentants des gouvernements, de l’industrie et de la société civile ; de même qu’à la proportion de femmes par rapport aux hommes parmi de nombreuses coalitions nationales PCQVP, indique que les femmes ne sont pas également représentées ou entendues au sein de notre propre mouvement. Et une récente table ronde organisée par NRGI et Oxfam, lors de laquelle des intervenants clés dans les domaines de la transparence, de la redevabilité et de la justice entre les sexes se sont exprimés, a conclu qu’il existe très peu d’études disponibles pour comprendre la question de savoir si les femmes profitent réellement de l’augmentation de la transparence dont nous avons été les témoins dans le secteur au cours de la dernière décennie.

Il nous faut donc commencer à remédier à cette défaillance systémique pour promouvoir l’équité entre les sexes au sein du mouvement pour la transparence et la reddition des comptes. Et à faire pression pour la publication et l’analyse des informations à l’appui des politiques qui répondent aux différentes expériences des hommes et des femmes touchés par les activités d’extraction pétrolière, gazière et minière.

Pour que la reddition des comptes soit vraiment atteinte, et pour que celle-ci conduise à l’amélioration de la qualité de vie pour les citoyens des pays riches en ressources, les voix et les points de vue de tous les membres des collectivités touchées ont besoin d’être entendus et pris en considération. En tant que mécanisme clé qui conduit à la promotion de la redevabilité dans la gestion des ressources naturelles, l’ITIE est donc un premier point de départ pour s’assurer que les vues et les voix des femmes soient entendues.

Qui sera impliqué dans le projet ?

Nous allons mettre en place ce projet pilote avec nos coalitions nationales PCQVP au Burkina Faso, en Guinée et au Sénégal, car ce sont les pays où nos membres ainsi que les secrétariats de l’ITIE sont désireux d’aborder les questions de l’équité entre les sexes et de la transparence. En outre, nous allons travailler dans quatre autres pays d’Afrique de l’Ouest pour entreprendre des « analyses » de la sexospécificité dans les coalitions PCQVP qui y sont présentes.

Nous allons travailler avec les principaux acteurs – les représentants de la société civile, les membres des communautés, les responsables des gouvernements et de l’industrie – dans le but de renforcer leurs capacités afin d’être en mesure de répondre aux questions suivantes :

  • Quels obstacles s’opposent à la participation des femmes au processus de l’ITIE ? En nous penchant précisément sur les obstacles qui pourraient empêcher les femmes d’être entendues lors de la consultation et de la rétroaction à l’échelon communautaire et dans le groupe multipartite.
  • Comment l’ITIE peut-elle être utilisée comme un outil pour faire progresser l’équité entre les sexes et lutter contre l’impact négatif des activités minières, pétrolières et gazières sur les femmes ?
  • Quels type et/ou format de données sont le plus utiles pour s’assurer que les informations publiées en vertu du processus ITIE reflètent et contribuent à atténuer efficacement les effets négatifs des activités minières, gazières et pétrolières sur les femmes ?
  • Comment les coalitions PCQVP et les GM au Sénégal, en Guinée et au Burkina Faso peuvent-elles assurer une participation significative et représentative par, et l’engagement avec, les femmes et les organisations défendant leurs droits à un niveau institutionnel ?
  • Qu’attendez-vous comme conséquence de ce projet ?

    Bien que ce soit un projet pilote pour PCQVP, nous nous attendons au cours de l’année à venir à accroître la compréhension par les acteurs clés au Burkina Faso, en Guinée et au Sénégal – y compris par les parties prenantes des gouvernements, de la société civile et de l’industrie – de la façon dont les femmes et les hommes sont touchés par, et capables de participer différemment dans, les activités (gouvernance) extractives et de quel type de données pourrait contribuer à l’atténuation de ces effets.

    Nous nous attendons à ce que cette compréhension mène à des changements au niveau des processus dans la façon dont l’ITIE est mise en œuvre dans ces pays, et de la façon dont les voix des femmes sont reflétées et prises en compte dans ce processus de mise en œuvre. En outre, nous nous attendons à constater des divulgations de différents types ou formats de données qui pourraient contribuer à informer les politiques qui sont en mesure d’aborder et d’atténuer les impacts négatifs des activités extractives sur les femmes.

    En outre, nous nous attendons à ce que le projet procure à PCQVP une meilleure compréhension de la façon dont nous pouvons intégrer une perspective du genre au niveau institutionnel dans notre propre réseau – en d’autres termes, comment pouvons-nous, en tant que PCQVP, faire avancer la question de l’équité entre les sexes ?

    Si ces attentes sont satisfaites, nous nous attendons à voir l’adoption de réformes politiques fondées sur des preuves et qui permettront de régler efficacement l’impact de l’extraction minière, pétrolière et gazière sur les femmes ; ainsi qu’un mouvement plus efficace s’agissant de la gouvernance des ressources naturelles où la divulgation des informations est informée et utilisée par les principaux intervenants, y compris les femmes, pour transformer leur vie.

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