Droits des femmes dans la gouvernance des ressources naturelles en Afrique de l’Ouest: Efforts encourageants, progrès timides

En 2019, la Norme Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) a intégré des Exigences pour rendre le processus plus sensible au genre. Trois ans plus tard, ces nouvelles Exigences ont-elles été mises en œuvre au Burkina Faso, en Guinée et au Sénégal ?

Ont-elles favorisé la prise en compte des droits des femmes dans le secteur de l’extraction des ressources naturelles ? 

Qu’est-ce qui a changé pour les femmes

Ces questions ont fait l’objet d’une étude par les coalitions Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) dans ces trois pays. Le bilan est mitigé : les Exigences ont une influence certaine sur les débats, mais encore peu d’avancées concrètes sont constatées.

Le rapport propose de nombreuses pistes pour améliorer la mise en œuvre des Exigences et renforcer le rôle de l’ITIE dans la promotion des droits des femmes.

Nous ne comptons toujours pas, nous sommes toujours comptées !

La Francophonie a révélé dans une étude intitulée « La place des femmes dans le secteur extractif Francophone » qu’un tiers des réserves minérales mondiales se trouverait en Afrique, dont plus de la moitié des minerais rares. À titre d’exemple, la Guinée abrite la plus grande mine de bauxite à ciel ouvert au monde, le Burkina Faso, quatrième producteur d’or d’Afrique ou encore le Sénégal l’un des principaux producteurs de phosphates et de zircon. Malheureusement, cette richesse ne contribue pas suffisamment à la croissance de ces pays, et donc à leurs citoyens qui continuent de vivre dans la pauvreté ; et les femmes restent les plus impactées.

Force est de constater que le secteur des industries extractives laisse une place peu enviable aux femmes. Il est dominé par les hommes et est marqué par des inégalités de genre. Les femmes sont largement sous-représentées. Aujourd’hui le défi reste pour les gouvernements de remédier à toutes ces disparités, en améliorant l’exploitation de leurs ressources naturelles de manière transparente et équitable tout en tenant compte de l’égalité genre.

L’égalité genre : Qu’est ce qui est fait jusque-là?

Les dispositions liées à l’égalité des sexes dans la Norme ITIE 2019 commencent à faciliter une prise de décision plus inclusive, mais il reste encore un long chemin à parcourir. La norme a intégré des dispositions sur le genre, une grande première. Les nouvelles dispositions ont pour but d’améliorer la participation des femmes dans la gestion des ressources extractives.

Désormais, elle, fait obligation aux groupes multipartites de tenir compte de l’équilibre homme-femme dans leur composition et de divulguer des données sur l’emploi par entreprise, par genre et par niveau d’emploi.

Par exemple au Burkina Faso, la représentation des femmes dans le GMP a connu une grande évolution. Elle est passée de 16 à 32%, soit 8 femmes sur 25 membres selon une étude de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) en Afrique de l’Ouest.

En Guinée, lors de la campagne de dissémination du rapport ITIE tenue en 2021, les organisations féminines sont ajustées davantage et leur prise de parole encouragée, seulement le nombre de femmes n’a pas dépassé 10%, d’après toujours une étude de PCQVP.

Si les ressources extractives doivent profiter aux communautés, les femmes et les hommes doivent être impliqués dans la gestion et la gouvernance du secteur extractif pour au final qu’ils puissent bénéficier d’un accès égal aux emplois.

Un autre point important : le partage et l’accès aux informations. Pour Zainab Ahmed, actuelle Ministre des Finances, du Budget et de la Planification du Nigéria :

« La divulgation des données est essentielle pour améliorer l’inclusion des femmes, car elle fournit aux gouvernements, aux entreprises et aux autres parties prenantes les informations dont ils ont besoin pour identifier les domaines où les femmes sont sous-représentées ou marginalisées de manière disproportionnée, afin qu’ils puissent intervenir et appliquer les mesures nécessaires ».

Elle estime que le partage des données assure également le respect de la transparence et la redevabilité.

« Par exemple, obliger les entreprises à divulguer des statistiques sur l’emploi, ventilées par sexe, permettrait d’adopter des pratiques plus inclusives en matière d’embauche. »

De grands défis persistent toujours

  • Jusqu’où les femmes sont-elles représentées?

Les industries extractives sont exploitées et gouvernées par les hommes de façon disproportionnée, et les politiques sectorielles tenant compte du genre sont relativement rares. En général, entre 80 et 90 % des emplois sur un site d’exploitation de ressources naturelles sont occupés par des hommes. Des   chiffres avancés par la Banque Mondiale dans son étude dénommée « L’exploitation minière en Afrique, les communautés locales en tirent-elles parti ? ».

Pour le cas du Sénégal, les femmes s’activant dans les industries extractives représentent moins de 25% des effectifs employés, informe la coalition nationale Publiez Ce Que Vous Payez. Des chiffres sur l’emploi formel du Rapport ITIE Sénégal 2019, mettent la lumière sur la représentativité des femmes dans le secteur extractif. Le rapport montre que les femmes représentent 5% des cadres supérieurs des 25 grandes entreprises des secteurs minier et pétrolier au Sénégal. Cependant, force est de constater que globalement, hommes et femmes confondus, les cadres sénégalais ne représentent que 48% de cette classe professionnelle.

Comme l’estime Awa Marie Coll Seck, Présidente du Comité national de l’ITIE Sénégal :

« Nos données sur la représentation des sexes dans les industries extractives constituent la base du débat et des initiatives visant à donner aux femmes les moyens de participer davantage aux activités du secteur et de mieux contribuer à l’économie du Sénégal ».

  • À qui profitent les revenus?

Les femmes bénéficient elles des retombées financières qui proviennent des ressources extractives ? D’après une analyse de l’Institut de gouvernance des ressources naturelles (NRGI) de 2017,  qui porte sur  « l’indice de gouvernance des ressources naturelles », les femmes vivant dans les pays tributaires des ressources minérales connaissent souvent une plus grande inégalité en matière de distribution de la richesse et de respect de leurs droits.

Dans certains pays, les facteurs socioculturels qui confèrent aux femmes un statut particulier les restreignent à la sphère domestique et aux rôles marginaux, le taux élevé d’analphabétisme dans les zones rurales, sont autant d’obstacles pour l’épanouissement économique des femmes. Cela conduit souvent à leur attribuer un rôle marginal dans la chaîne de valeur, rôle qui s’exerce dans des conditions très désavantageuses.

Les femmes disposent rarement d’un permis ou d’une licence d’exploitation et ne sont quasiment jamais détentrices d’un titre de propriété. Cela est dû essentiellement au manque d’autonomisation financière car, pour être propriétaire d’un carré d’exploitation, s’acheter un permis ou même devenir négociante, il faut disposer d’un capital d’investissement.

Avec les projets extractifs, les femmes perdent leurs terres. Les moyens de subsistance traditionnels sont perdus. Certaines femmes recourent au travail du sexe pour subvenir à leurs besoins, augmentant ainsi le risque d’être les victimes de violences sexuelles et basées sur le genre.

  • Quelles mesures doivent-être prises?

Pilier de stabilité socio-économique et vecteur de revenus en Afrique de l’Ouest, paradoxalement la femme reste le maillon faible dans le secteur des industries extractives. Il est vrai que des efforts majeurs ont été réalisés, cependant il reste de nombreux défis à relever pour que les femmes puissent avoir un statut privilégié dans le secteur extractif. Pour atteindre cet objectif, cela passera par la mise en œuvre de principales stratégies propices à l’instauration d’industries extractives inclusives comme :

  • l’intégration de la dimension genre dans les politiques de contenu local ;
  • le partage de façon équitable entre hommes et femmes des revenus issus des ressources extractives ;
  • l’amélioration de la formation et  du développement des compétences des filles et des femmes ;
  • encourager l’investissement dans les infrastructures partagées dans les zones d’exploitation des ressources extractives ;
  • définir des instruments de gouvernance de l’exploitation artisanale et à petite échelle afin de réduire les formes de violence dont les femmes y sont victimes ;
  • réduire au minimum les pertes des moyens de subsistance des femmes en faisant preuve de diligence raisonnable pour pallier les retombées sociales et environnementales, et créer davantage d’emplois ;
  • inciter et encourager l’implication et le leadership des femmes dans les organisations de la société civile et dans les instances de prise de décision du secteur, comme l’ITIE ;
  • renforcer la participation des femmes dans les groupes multipartites ou encore consolider le rôle de l’ITIE dans la promotion des droits des femmes.

 

Cet article a d’abord été publié sur le site du média Droit dans ses bottes. 

Conference Afrique de PCQVP 2021

S’adapter pour la résilience et collaborer pour l’impact dans la gouvernance des ressources naturelles

24 et 25 Mars

La conférence Afrique 2021 de PCQVP examinera comment le mouvement de gouvernance des ressources peut renforcer la résilience et collaborer pour avoir un impact en Afrique, face aux grands défis mondiaux comme la pandémie de Covid-19, le changement climatique et la transition énergétique, ainsi que les menaces sur l’espace civique.

pictures of attendees at the PWYP Africa Conference

Chaque session comprendra une discussion/présentation des panélistes pendant 45 minutes, suivie d’une session de questions et réponses de 30 minutes. Veuillez noter que toutes les sessions seront enregistrées et mises en ligne après l’événement.

Veuillez noter qu’en vous inscrivant à cet événement, vous vous engagez à respecter le code de conduite de PCQVP.

Agenda

Téléchargez un PDF de l’ordre du jour de la Conférence Afrique 2021 

Placer les femmes au centre de la gouvernance du secteur extractif

Avec le soutien de la William and Flora Hewlett Foundation et du ministère finlandais des Affaires étrangères, les coalitions de PCQVP poursuivent leur travail visant à placer la prise de décisions par les femmes au cœur de la gouvernance du secteur extractif afin que ces dernières puissent en bénéficier.

Alors que la crise mondiale de coronavirus continue de provoquer des bouleversements dévastateurs, une tendance intéressante a été observée : les pays dirigés par des femmes enregistrent de meilleurs résultats en matière de gestion. Bien que de nombreux facteurs soient impliqués dans de tels résultats, l’idée selon laquelle les femmes sont moins capables de diriger que les hommes (surtout en temps de crise) est clairement réfutée dans des pays allant de la Finlande et l’Allemagne à Taïwan voire la Nouvelle-Zélande.

Ces exemples de leadership féminin réussi dans des contextes complexes donnent un élan aux travaux en cours de PCQVP pour promouvoir l’égalité des sexes et les droits des femmes dans la gouvernance des ressources naturelles. Grâce à la reconnaissance du rôle essentiel que les femmes peuvent et doivent jouer dans la gouvernance des industries extractives, et la sensibilisation aux nombreux obstacles qui continuent à se dresser sur leur chemin, PCQVP cherche à faire avancer les possibilités en termes de leadership des femmes dans un secteur où elles sont souvent le moins avantagées (par exemple, au regard des possibilités d’emploi) et où elles assument le plus grand coût des impacts sociaux et environnementaux négatifs.

Vers une gouvernance féministe des ressources naturelles

Un aspect essentiel de la programmation de PCQVP en matière d’égalité des sexes de 2020 à 2022 s’appuie sur les résultats d’un projet pilote de deux ans, lancé en 2018 pour promouvoir une mise en œuvre sensible au genre de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), un projet mondial multipartite visant à améliorer la gouvernance des ressources naturelles dans plus de 50 pays. L’ITIE est une initiative volontaire avec pour but de mettre régulièrement entre les mains du public des informations sur les aspects de ce secteur complexe et traditionnellement très opaque.  Les informations divulguées dans le cadre de l’ITIE comprennent des informations sur les personnes qui obtiennent le droit d’exploiter des mines ou de forer, les conditions de ces contrats, les sommes que les entreprises paient et les gouvernements reçoivent pour les ressources naturelles, ainsi que les autres impacts, tels que les effets environnementaux et sociaux, qui sont à la fois suivis et gérés.

Le projet pilote de PCQVP comprenait une recherche participative avec les membres de PCQVP en Guinée (abritant la plus grande mine de bauxite à ciel ouvert du monde), au Burkina Faso (quatrième producteur d’or d’Afrique) et au Sénégal (un des principaux producteurs de phosphates), afin de découvrir les obstacles et les possibilités d’inclusion des femmes au sein de la gouvernance des ressources naturelles. Le projet pilote a également évalué la compréhension de ces obstacles et opportunités parmi les principales parties prenantes, y compris les représentants du gouvernement, de l’industrie et de la société civile des groupes nationaux multipartites de l’ITIE, qui supervisent la mise en œuvre de l’ITIE ; et au sein du mouvement PCQVP. Les évaluations sur le genre des coalitions de PCQVP dans les trois pays pilotes, ainsi qu’au Ghana, au Nigeria et au Togo, ont confirmé la faible représentation des intérêts et des organisations de femmes au sein des coalitions et de leur programmation, ainsi que dans les plans de travail des groupes nationaux multipartites de l’ITIE et la faible proportion de femmes y siégeant.

Renforcer la participation des femmes à l’ITIE

En juin 2019, pour la première fois en 17 ans, le Conseil international de l’ITIE a adopté une version de la norme ITIE qui fait référence aux femmes et au genre de manière spécifique et importante. La norme encourage désormais la prise en compte de l’équilibre entre les sexes parmi les membres des groupes multipartites. Elle exige des entreprises extractives la divulgation du nombre d’hommes et de femmes employés dans leurs organisations, ainsi que de leurs rôles, et demande aux groupes multipartites de s’assurer d’envisager des moyens d’atténuer les difficultés d’accès aux données de l’ITIE, notamment en matière de facteurs sociaux ou économiques liés au genre. Par exemple, si une femme est incapable de lire ou de payer un ticket de bus pour assister à une réunion, le groupe multipartite doit adopter d’autres méthodes pour qu’elle puisse accéder aux informations de l’ITIE. La norme 2019 établit également un lien entre la mesure dans laquelle l’ITIE a un impact et la mesure dans laquelle la mise en œuvre de l’ITIE a tenu compte des considérations liées au genre.

Au cours des deux prochaines années, les coalitions PCQVP du Burkina Faso, du Ghana, de la Guinée, du Nigeria, du Sénégal, du Kirghizstan et de l’Ukraine utiliseront les conseils du secrétariat de l’ITIE sur les dispositions relatives au genre pour influencer la mise en œuvre de l’ITIE dans leurs contextes nationaux. Par le biais d’études de cas, d’entretiens et d’enquêtes, elles documenteront et communiqueront l’impact de ces dispositions, comme la production de données ventilées par sexe sur les dépenses sociales des entreprises.

En comprenant où et comment l’ITIE peut permettre un impact significatif pour les personnes les plus touchées par l’extraction, nous espérons répondre aux questions suivantes :

  • Comment la divulgation de données spécifiques par le biais de l’ITIE peut-elle être utilisée pour transformer l’expérience des femmes dans le secteur extractif ?
  • Quelles sont les questions communes sur lesquelles le mouvement des droits des femmes et le mouvement de gouvernance des industries extractives peuvent se mobiliser conjointement pour avoir un plus grand impact dans le monde entier ?
  • Quelles dispositions doivent être incluses dans d’autres politiques nationales ou mondiales pour lutter contre les inégalités entre les sexes dans le secteur des industries extractives ?
  • La pandémie mondiale offre-t-elle des possibilités de sensibiliser aux droits des femmes et à l’égalité des sexes dans la gouvernance des ressources naturelles, et d’obtenir des engagements plus significatifs de la part des gouvernements ou des entreprises sur ces questions ?

En Ouganda, en Tanzanie et au Mozambique, les coalitions de PCQVP entreprennent des projets visant à explorer les possibilités d’accroître la participation effective des femmes et la prise en compte de leur voix dans les processus décisionnels concernant l’affectation éventuelle des revenus de l’extraction dans les budgets infranationaux. Ces trois pays sont signataires de l’ITIE. Cette recherche est menée dans le cadre d’un projet plus vaste financé par le ministère finlandais des Affaires étrangères afin de faire progresser des politiques fiscales équitables et transparentes pour gérer la richesse générée par l’exploitation des ressources minérales, pétrolières et gazières.

Un programme centré sur les personnes pour une gouvernance transformatrice du secteur extractif

La stratégie Vision 2025 de PCQVP définit un programme centré sur les personnes pour le secteur extractif : un programme qui nous permet d’être informés, influents, entendus et connectés. En concevant ce travail avec les femmes dès le début, nous mettons notre stratégie en action. La norme ITIE 2019 représente une opportunité pour tous les militants conscients que des résultats de développement durables, équitables et réactifs peuvent uniquement être obtenus lorsque les femmes sont entendues et que leurs contributions informent la prise de décision collective.

Alors que les besoins économiques entraînent des engagements en faveur d’une économie à faible émission de carbone, de nombreux pays riches en ressources naturelles sont confrontés à un avenir incertain, qu’ils soient des producteurs de combustibles fossiles établis ou nouveaux, ou qu’ils disposent de gisements de minéraux nécessaires pour stimuler la transition. Quelle que soit leur situation, PCQVP estime qu’ils seront mieux placés pour faire face à ces changements, et aux décisions complexes qu’ils nécessitent, si les femmes qui ont un rôle à jouer dans cet avenir sont en mesure d’avoir de l’influence.

Sénégal : Ndeye Marie Diedhiou, la « Seigneure de la guerre » des ressources en Casamance

Au vu des importants gisements miniers déjà en exploitation — phosphates, carrières, or, zircon et fer — et des récentes découvertes de pétrole et de gaz, le Sénégal se positionne de plus en plus comme un pays riche en ressources naturelles. C’est pourquoi le gouvernement ambitionne de faire de ce secteur un des piliers de son développement, comme indiqué dans son plan stratégique de développement économique (le Plan Sénégal Émergent).

Cette étude de cas présente Ndeye Marie Diedhiou – une championne de la transparence, voix des communautés

Cet article fait partie du Projet Genre de PCQVP, qui a été rendu possible grâce au soutien de la Fondation William et Flora Hewlett.

Ensemble: Faisons avancer les droits des femmes dans le mouvement pour la transparence des industries extractives

Il est bien documenté que les projets d’extraction peuvent être lourds de conséquences pour l’égalité genre étant
donné que les femmes ont généralement le plus à perdre (perte de terres ou de moyens de subsistance, augmentation de la violence basée sur le genre, etc.) et le manque à gagner du processus d’extraction dans les communautés où elles se trouvent et dans l’ensemble du pays. Les questions de genre (en termes de rôles et attentes imposés par la
société) affectent et impliquent également les hommes alors qu’ils cherchent des emplois à haut risque dans les sites d’extraction, souvent en bénéficiant d’une protection sociale médiocre et sans disposer des moyens de
sécurité sociaux traditionnels. Même ainsi, il y a souvent un déséquilibre entre les sexes dans les processus de prise de décisions liés à la gestion des ressources extractives, et dans les mécanismes internationaux tels que l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) où les femmes sont souvent sous-représentées. Jusqu’à
récemment, les acteurs de la gouvernance des industries extractives ont jusque-là porté peu d’attention aux questions de genre.

Cette composante recherche fait partie d’un projet pilote de deux ans (2018-2019) sur le genre grâce auquel Publiez Ce Que Vous Payez, la coalition internationale de la société civile, tentera de mieux comprendre et d’appliquer
une perspective prenant en compte le genre dans ses travaux et ses interactions avec les groupes multipartites (GM) dans les pays mettant en oeuvre l’ITIE en Afrique de l’Ouest

La transformation de l’approche en matière de sexospécificité pour la transparence dans les industries extractives commence en Afrique de l’Ouest

Rendre les femmes visibles et trouver l’expertise sur les questions de genre dans leurs propres mouvements ont placé les coalitions Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) d’Afrique de l’Ouest à l’avant-garde du travail sur la sexospécificité dans les industries extractives. Mais il y a un long chemin à parcourir avant que les esprits et les méthodes de travail ne se transforment pour mieux prendre en compte la sexospécificité dans les façons de travailler.

Comment modifier un système qui est en grande partie « aveugle au genre » ?  C’est-à-dire, si les femmes sont systématiquement sous-représentées ou absentes des discussions, si le genre n’est pas à l’ordre du jour, et si les femmes sont rendues encore plus invisibles en ne désagrégeant pas de façon systématique les données collectées sur la base du genre, et en ne les utilisant par pour l’analyse.

Pour plusieurs (sinon la plupart) des groupes de la société civile qui cherchent à influencer la transparence de la gouvernance des industries extractives dans leurs pays, c’est une réalité. Et cela a conduit PCQVP à relever le défi et a mené des études dirigées par trois coalitions PCQVP en Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Guinée et Sénégal), rejointes par d’autres (Ghana, Nigeria et Togo) afin d’effectuer une analyse de la sexospécificité dans leurs propres coalitions et parmi leurs membres.  Ces analyses de la sexospécificité visaient à répondre à ceci : Comment se situe la participation actuelle des femmes et des hommes dans notre système ? Où y a-t-il des disparités en matière de genre et pourquoi ? Où réside une expertise existante sur le genre parmi nos membres dont nous pourrions collectivement tirer profit ?   

La « neutralité » relativement au genre enracine le status quo

De nombreuses publications signalent les inégalités inhérentes au secteur des industries extractives, avec des avantages et des risques partagés de façon injuste. Par conséquent, les politiques et les données aveugles au genre (considérées jusqu’à récemment comme « neutre au genre ») créent en fait des résultats négatifs en matière de sexospécificité pour les femmes en contribuant à maintenir ou à aggraver les déséquilibres de pouvoir existants, tout en omettant de soutenir les femmes en tant que force de développement.

D’autres facteurs peuvent aussi jouer un rôle. Une culture à prédominance masculine peut rendre les « accords à coup de tape dans le dos » entre les hommes plus acceptables. Pour réussir dans cette culture, les femmes peuvent avoir besoin de s’y adapter plutôt que d’utiliser leur voix pour exprimer leur solidarité avec les femmes plus marginalisées. Tout cela affecte la transparence, comme en témoigne l’ensemble des rapports des coalitions PCQVP.

Récemment, l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE) s’est impliquée plus fortement sur les questions de genre. Toutefois, il incombe aux pays de mise en œuvre de l’ITIE de mettre en pratique une approche transformative de la sexospécificité. Jusqu’à présent, tout est principalement resté au stade des intentions, et un article de blog antérieur de PCQVP soutient que les femmes ont été largement laissées de côté. Certains aspects de l’approche de recherche et les conclusions sont présentés ci-dessous :

Rendre visibles les disparités entre les sexes

Il est facile d’accepter le statu quo tant que les femmes sont la plupart du temps invisibles et les questions de genre (au-delà de la participation ou de l’habilitation des femmes) ne sont pas systématiquement analysées. C’est actuellement le cas. Une ventilation tenant compte du genre de la participation aux structures de gouvernance et de prise de décisions au sein de l’univers de l’ITIE n’est pas facilement disponible ; il n’est pas toujours clairement établi le pourcentage des femmes parmi les participants ou la représentation de groupes de femmes au niveau local lorsque des validations des rapports de l’ITIE ont eu lieu localement.

Les groupes multipartites (GM) – avec des représentants du gouvernement, des entreprises et de la société civile chargés de superviser la mise en œuvre de l’ITIE – comptaient de 7 % à 20 % de femmes. Certains GM en d’autres endroits ne comportaient aucune femme d’après les recherches de l’Institute for Multi-stakeholder Initiative Integrity (2015).

Une autre forme de rendre les femmes invisibles consiste à ne pas inclure des données désagrégées par sexe dans les rapports. Quand cela se produit exceptionnellement, les disparités entre les sexes signalées sont révélatrices. Par exemple, au Burkina Faso, le rapport ITIE 2016 a montré que les femmes occupaient moins de 3 % de tous les emplois créés par les entreprises minières (sans aucune autre analyse incluse, ou sans réactions des groupes de femmes sur le terrain). En outre, une comparaison dans l’ensemble d’un pays n’est pas possible, car jusqu’à maintenant, une ventilation des données par sexe n’est pas requise selon la norme ITIE.  

Faire en sorte que l’égalité des sexes soit discutée et donne lieu à des actions

Mais la participation inégale constitue seulement un aspect du problème. Le niveau de participation parfois étonnamment faible des femmes dans le processus de l’ITIE est souvent symptomatique d’inégalités entre les sexes plus larges, plus profondes et davantage structurelles, ce qui vaut aussi pour les déséquilibres de pouvoir. Ceci doit être analysé de manière holistique, en utilisant une approche prenant en compte tous les aspects de la sexospécificité.

Les groupes locaux de femmes, ainsi que des institutions publiques nationales chargées de défendre l’égalité des sexes (comme les ministères en charge de l’égalité des sexes, les groupes en charge de l’égalité des sexes au sein du ministère de la Planification, etc.), pourraient jouer un rôle complémentaire, PCQVP s’appuyant potentiellement sur ces connaissances pour les relier au secteur extractif. Plusieurs rapports de recherche publiés par les coalitions ont constaté des lacunes flagrantes entre le cadre politique national relativement bon pour la promotion de l’égalité des sexes d’une part, et l’absence totale de toute référence au sexe dans les cadres de réglementation de l’industrie extractive d’autre part.  

Les membres de PCQVP axés sur la sexospécificité, ou ceux qui travaillent sur l’autonomisation des femmes, pourraient jouer un rôle important dans la création de ces liens. Chacune des coalitions PCQVP participantes pourrait identifier au moins quelques membres ayant une expertise particulièrement pertinente s’agissant du genre. Bien que certains d’entre eux étaient antérieurement inactifs, le « buzz » lié à cette recherche a accru l’intérêt, avec quelques autres groupes ciblant la sexospécificité manifestant leur souhait de participer à ce travail.

Intégrer la sexospécificité dans la culture et l’ADN institutionnels.

Dans la recherche, nous avons développé une méthode pour la visualisation et le suivi des références sexospécifiques dans les principaux documents (plans de travail, plans stratégiques, reporting, etc.) afin de déterminer si l’égalité des sexes faisait vraiment partie de l’ADN institutionnel ou n’était mentionnée que pour la forme. Toute référence (ou publication dédiée) sur les questions de genre a été classée comme suit : aspirationnelle – ce qui signifie qu’elle constituait une recommandation ou une orientation, mais ne s’était pas encore produite ; normative – indiquant une certaine forme d’obligation (par ex. dans un code de conduite) ; informationalle – énonçant simplement un fait, comme des événements à venir ou une ventilation par sexe de la participation ; axée sur les résultats – prendre note des impacts ou des résultats en matière de sexospécificité ; et générée par la communauté – reflétant les commentaires et les données de ceux cotoyant le plus le problème sur le terrain.

Même si souvent des coalitions ont signalé une absence totale de références de genre dans les documents clés à ce stade – ou au mieux, ces références étaient aspirationnelles ou informatives-, l’idée est de continuer à utiliser cette classification pour déterminer comment ceci pourrait évoluer au fil du temps. Cela pourrait aussi être un moyen d’être mutuellement redevables dans le partenariat multipartite de l’ITIE.

En conclusion, des projets isolés sur le genre comme celui-ci ne peuvent clairement pas parvenir à intégrer la notion de genre de leur propre chef dans le processus de l’ITIE dans son ensemble. Néanmoins, cette recherche – dans le cadre d’un projet PCQVP plus vaste sur le genre financé par la fondation Hewlett – est susceptible de servir de premier déclencheur. Elle illustre comment les femmes ne sont pas seulement les victimes potentielles ou des bénéficiaires possibles des ressources extractives ou des opportunités économiques dans le secteur, elles sont également responsables du changement.  

Une approche sexospécifique des industries extractives régies de façon transparente demeure peut-être un objectif lointain, mais en Afrique de l’Ouest au moins, la façon de l’atteindre a déjà commencé à être étudiée.

Comment pouvons-nous renforcer la voix de la société civile?

Les leçons tirées de la coalition PCQVP au Sénégal

Avec le soutien de la Fondation Ford, le secrétariat de PCQVP a collaboré avec les membres au Sénégal pour faire connaître et renforcer les capacités de la société civile, et afin de s’assurer qu’ils puissent participer à la mise en œuvre du processus de l’ITIE de façon plus efficace. Le projet tombe à point nommé puisque le gouvernement a lancé un processus de révision du droit pétrolier et gazier en raison de la découverte d’abondantes réserves de pétrole et de gaz.

Deux ans plus tard, alors que le projet se termine, le Coordonnateur Régional Afrique de l’Ouest Francophone de PCQVP Demba Seydi partage avec nous quelques points clés à retenir.

Qui a été touché à la suite de ce projet?

Un large éventail de citoyens a bénéficié des actions de sensibilisation et de renforcement des capacités. Ce sont entre autres les communautés directement impactées par l’extraction, les Parlementaires, les Elus locaux et les médias. En outre, en raison de nos efforts de sensibilisation, PCQVP Sénégal a accueilli plus de 25 organisations membres de la société civile, y compris des organisations de femmes et de jeunes, dans sa coalition à Saint-Louis, situé dans la zone côtière au nord-ouest du Sénégal où Cairn Energy et Kosmos Energy ont confirmé la découverte d’abondantes réserves de pétrole et de gaz.

Quels ont été les principaux résultats?

PCQVP Senegal For Foundation

Un résultat important du projet est que la coalition au Sénégal est maintenant en conformité avec les exigences de gouvernance des Groupes Multipartites de l’ITIE. Ils ont atteint ce résultat par l’élaboration et l’adoption d’un code de conduite, et par la conception d’un plan stratégique axé sur l’ITIE et basé sur la Vision 20/20 de PCQVP. La coalition a également contribué à faire en sorte que ses représentants au GMP soient redevables à l’ensemble de la société civile. En conséquence, la coalition a été vraiment impliquée dans le processus de validation, participant à toutes les réunions, y compris avec le Validateur Indépendant qui évalue les progrès d’un pays en vue d’une validation ITIE.

Par le renforcement de ses capacités, la coalition, en plus du Secrétariat de l’ITIE, a été en mesure de faciliter le partage des connaissances et des informations au sein des collectivités locales en organisant des foras communautaires dans toutes les régions extractives où les rapports ITIE 2015/16 ont été disséminés et discutés.

En outre, pour davantage informer sur les enjeux du secteur extractif, une association de journalistes spécialisés dans le secteur de l’extraction a été créée. Comme résultat de cette inclusion dans les activités de la coalition et des visites de terrain dans les régions extractives, divers emissions ont été réalisés pour la radio, la télévision et des plates-formes en ligne couvrant les activités extractives dans le pays. Cela a également contribué à renforcer la visibilité et le positionnement de la coalition en tant qu’acteur clé sur les questions liées à la gouvernance de l’industrie extractive au Sénégal.

Pour d’autres coalitions PCQVP envisageant un projet similaire, quels sont les points clés à considérer?

PCQVP Senegal For Foundation

  • Il est essentiel de considérer les activités qui favorisent l’engagement au niveau communautaire. Par exemple, la coalition au Sénégal a ciblé la collaboration au niveau de la base, pour que la société civile puisse véritablement être proche des communautés. Ils ont ainsi mieux mieux réussi à s’impliquer auprès d’elles et de comprendre leur point de vue sur les activités extractives.
  • Deuxièmement, il est important de concevoir des activités qui favorisent la participation des communautés touchées. Au Sénégal par exemple, les efforts ont porté sur le renforcement des connaissances et des capacités des communautés de Cayar et de Saint-Louis, car ces dernières dépendent fortement de la pêche, un mode de vie qui pourrait être menacé par l’extraction du gaz naturel découvert dans la région.
  • Et enfin, une approche inclusive est vitale. En plus d’inclure des médias et des groupes de femmes et de jeunes dans nos activités, la coalition a également axé ses efforts sur la promotion du dialogue afin de combler le fossé entre les communautés et les entreprises. Les activités de partage de connaissances et des informations ont été conçues de sorte à réduire les conflits entre les entreprises extractives et les communautés des communes de Rufisque et de Bargny, dans la région de Dakar qui abritent respectivement la SOCOCIM et la Centrale à Charbon.

Les femmes ont-elles été laissées pour compte dans dans l’agenda pour la transparence et la redevabilité?

« Comment pouvons-nous changer le monde lorsque la moitié seulement est invitée ou se sent la bienvenue pour participer à la conversation ? »

Ces mots, prononcés en 2014 par l’Ambassadrice de bonne volonté d’ONU Femmes, Emma Watson, reprennent la thématique sous-jacente au nouveau projet pilote de deux ans de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) portant sur la notion de genre et le secteur extractif, qui est soutenu par la Fondation Hewlett. En commençant par l’un des principaux mécanismes de redevabilité et de transparence dans le secteur du pétrole, du gaz et de l’exploitation minière, le projet se penchera sur la façon dont l’Initiative De Transparence Des Industries Extractives (ITIE) pourrait être mis en œuvre de manière à garantir la participation active des femmes, y compris dans les processus de prise de décision au sujet de l’exploitation de leurs ressources naturelles. Lancé en réponse aux demandes des membres de PCQVP d’aborder l’impact sexué de l’extraction des ressources naturelles, le projet permettra de prendre en considération les expériences distinctes des femmes du secteur de l’extraction, et des processus de l’ITIE en particulier, afin d’informer les politiques de transparence et les réformes de gouvernance qui répondent le mieux mieux aux besoins et aux priorités des femmes.

Stephanie Rochford, directrice de l’engagement des membres au sein du secrétariat international de PCQVP, s’exprime au sujet des objectifs et de l’approche de PCQVP relativement à ce projet.

Dites-nous en plus sur les motivations de PCQVP d’avoir accepté ce projet et pourquoi il est important

Il y a un large consensus, comme souligné par les articles dans un numéro récent du journal Gender & Development d’Oxfam, selon lequel l’exploitation des ressources naturelles affecte différemment les femmes et les hommes, les femmes portant le fardeau des conséquences négatives telles que la dégradation de l’environnement, avec un accès limité aux avantages tels que l’emploi. Pourtant, il existe très peu d’études pour évaluer si les renseignements rendus disponibles à la suite de l’impulsion initiale en faveur de la transparence par des organisations comme PCQVP – y compris des données financières telles que les redevances, taxes et primes de signature – sont accessibles et utilisés par les femmes pour relever les défis auxquels elles font face en raison des activités extractives. Et savoir si ces renseignements sont pertinents dans l’information des politiques qui traitent de l’impact de ces activités extractives sur les hommes et les femmes ; ou si les femmes sont aussi habilitées que les hommes à participer, et à être entendues, dans les initiatives multipartites telles que l’ITIE.

Par exemple, les informations divulguées actuellement grâce à l’ITIE et aux lois sur la divulgation obligatoire des paiements sont essentielles pour l’éradication de la corruption et permettre aux citoyens d’évaluer si leur pays obtient une contrepartie équitable pour ses ressources naturelles. Cependant, il est devenu évident que ce que l’ITIE et d’autres initiatives de transparence et de redevabilité n’ont pas pris en compte dans leur théorie du changement est la mesure dans laquelle les femmes et les hommes ont différentes expériences de l’industrie extractive ; des capacités différentes d’utiliser et d’accéder à des données disponibles ; et, par conséquent, que différents types de données peuvent être nécessaires pour assurer que les droits des femmes soient traités par les politiques que ces initiatives de divulgation de données cherchent à influencer.

Si la divulgation des informations qui reflète les expériences distinctes des femmes continue d’être négligée par un mécanisme de transparence clé, alors il sera peu probable que des femmes puissent réellement participer à ce mécanisme, ou que des politiques conduisant à des changements réels pour les femmes touchées par le secteur soient élaborées.

Notre projet ne vise pas seulement à déterminer comment nous pouvons placer l’égalité entre les sexes au centre du travail sur la transparence et la reddition des comptes que les coalitions PCQVP accomplissent avec les communautés touchées par les activités extractives. Nous nous penchons également sur nos propres processus institutionnels, ainsi que sur ceux de l’ITIE, pour comprendre comment nous pouvons placer une perspective du genre à la tête de nos propres organisations. Même un coup d’œil à la proportion de femmes qui siègent aux conseils nationaux de l’ITIE, connus sous le nom de groupes multipartites (GM) et composés de représentants des gouvernements, de l’industrie et de la société civile ; de même qu’à la proportion de femmes par rapport aux hommes parmi de nombreuses coalitions nationales PCQVP, indique que les femmes ne sont pas également représentées ou entendues au sein de notre propre mouvement. Et une récente table ronde organisée par NRGI et Oxfam, lors de laquelle des intervenants clés dans les domaines de la transparence, de la redevabilité et de la justice entre les sexes se sont exprimés, a conclu qu’il existe très peu d’études disponibles pour comprendre la question de savoir si les femmes profitent réellement de l’augmentation de la transparence dont nous avons été les témoins dans le secteur au cours de la dernière décennie.

Il nous faut donc commencer à remédier à cette défaillance systémique pour promouvoir l’équité entre les sexes au sein du mouvement pour la transparence et la reddition des comptes. Et à faire pression pour la publication et l’analyse des informations à l’appui des politiques qui répondent aux différentes expériences des hommes et des femmes touchés par les activités d’extraction pétrolière, gazière et minière.

Pour que la reddition des comptes soit vraiment atteinte, et pour que celle-ci conduise à l’amélioration de la qualité de vie pour les citoyens des pays riches en ressources, les voix et les points de vue de tous les membres des collectivités touchées ont besoin d’être entendus et pris en considération. En tant que mécanisme clé qui conduit à la promotion de la redevabilité dans la gestion des ressources naturelles, l’ITIE est donc un premier point de départ pour s’assurer que les vues et les voix des femmes soient entendues.

Qui sera impliqué dans le projet ?

Nous allons mettre en place ce projet pilote avec nos coalitions nationales PCQVP au Burkina Faso, en Guinée et au Sénégal, car ce sont les pays où nos membres ainsi que les secrétariats de l’ITIE sont désireux d’aborder les questions de l’équité entre les sexes et de la transparence. En outre, nous allons travailler dans quatre autres pays d’Afrique de l’Ouest pour entreprendre des « analyses » de la sexospécificité dans les coalitions PCQVP qui y sont présentes.

Nous allons travailler avec les principaux acteurs – les représentants de la société civile, les membres des communautés, les responsables des gouvernements et de l’industrie – dans le but de renforcer leurs capacités afin d’être en mesure de répondre aux questions suivantes :

  • Quels obstacles s’opposent à la participation des femmes au processus de l’ITIE ? En nous penchant précisément sur les obstacles qui pourraient empêcher les femmes d’être entendues lors de la consultation et de la rétroaction à l’échelon communautaire et dans le groupe multipartite.
  • Comment l’ITIE peut-elle être utilisée comme un outil pour faire progresser l’équité entre les sexes et lutter contre l’impact négatif des activités minières, pétrolières et gazières sur les femmes ?
  • Quels type et/ou format de données sont le plus utiles pour s’assurer que les informations publiées en vertu du processus ITIE reflètent et contribuent à atténuer efficacement les effets négatifs des activités minières, gazières et pétrolières sur les femmes ?
  • Comment les coalitions PCQVP et les GM au Sénégal, en Guinée et au Burkina Faso peuvent-elles assurer une participation significative et représentative par, et l’engagement avec, les femmes et les organisations défendant leurs droits à un niveau institutionnel ?
  • Qu’attendez-vous comme conséquence de ce projet ?

    Bien que ce soit un projet pilote pour PCQVP, nous nous attendons au cours de l’année à venir à accroître la compréhension par les acteurs clés au Burkina Faso, en Guinée et au Sénégal – y compris par les parties prenantes des gouvernements, de la société civile et de l’industrie – de la façon dont les femmes et les hommes sont touchés par, et capables de participer différemment dans, les activités (gouvernance) extractives et de quel type de données pourrait contribuer à l’atténuation de ces effets.

    Nous nous attendons à ce que cette compréhension mène à des changements au niveau des processus dans la façon dont l’ITIE est mise en œuvre dans ces pays, et de la façon dont les voix des femmes sont reflétées et prises en compte dans ce processus de mise en œuvre. En outre, nous nous attendons à constater des divulgations de différents types ou formats de données qui pourraient contribuer à informer les politiques qui sont en mesure d’aborder et d’atténuer les impacts négatifs des activités extractives sur les femmes.

    En outre, nous nous attendons à ce que le projet procure à PCQVP une meilleure compréhension de la façon dont nous pouvons intégrer une perspective du genre au niveau institutionnel dans notre propre réseau – en d’autres termes, comment pouvons-nous, en tant que PCQVP, faire avancer la question de l’équité entre les sexes ?

    Si ces attentes sont satisfaites, nous nous attendons à voir l’adoption de réformes politiques fondées sur des preuves et qui permettront de régler efficacement l’impact de l’extraction minière, pétrolière et gazière sur les femmes ; ainsi qu’un mouvement plus efficace s’agissant de la gouvernance des ressources naturelles où la divulgation des informations est informée et utilisée par les principaux intervenants, y compris les femmes, pour transformer leur vie.

    Ibrahima Sorry Diallo

    Durant ma jeunesse, je me suis engagé dans les mouvements citoyens, j’ai appris à contribuer au développement de mon pays et je me suis formé à la vie associative. J’ai pu ainsi comprendre les enjeux et les problématiques de développement de mon pays. J’ai décidé de mettre l’expérience acquise dans les mouvements de jeunesse au service du développement de ma région et de mon pays.

    Nous avons mis en place l’ONG “La Lumière” pour défendre les intérêts des communautés riveraines des sites d’extraction au Sénégal. Les régions où nous intervenions, la population est quasiment analphabète, à un taux de 90%, et des études ont révélé que ce sont les régions les plus pauvres du Sénégal. Pourtant ces régions regorgent des ressources naturelles, notamment minières. Nous nous sommes d’abord intéressés à la situation des enfants travaillant dans les mines avant de nous investir dans le suivi de la gouvernance de ce secteur. Pour mieux conduire cette mission, je me suis rendu dans des pays miniers notamment le Ghana et le Mali afin de nous inspirer des expériences de la société civile.

    Le Sénégal est certes un nouveau pays minier mais des sociétés minières ont exploité nos ressources durant des décennies. Le Sénégal négocie toujours avec les compagnies en position de faiblesse en raison de son manque d’expérience, d’expertise mais également du phénomène de la corruption. Et de ce fait, nous avons des gouvernements en partenariat avec des sociétés qui sont contre les populations et les organisations de la société civile.

    Nous faisons toujours face à des menaces de l’Etat et des sociétés minières. De plus, l’Etat tente de nous intimider pour qu’on arrête notre travail de veille. Ce que nous avons refusé et personnellement j’ai démissionné de ma fonction d’enseignant car on ne peut pas élever la voix lorsqu’on a un statut de fonctionnaire. Et des jeunes sénégalais ont cru en cette initiative et m’ont accompagné dans cette dynamique et c’est ce qui nous a permis de créer la coalition “Publiez Ce Que Vous Payez” dont je suis le Président.