Recommandations pour une vision africaine commune sur les minerais de transition

Pour tirer le meilleur parti du boom des minerais de transition, les dirigeant·e·s africain·e·s doivent s’unir et agir de toute urgence pour faire en sorte que le marché émergent de ces minerais soit bien réglementé, transparent, juste et équitable. 

Le monde doit cesser de brûler des combustibles fossiles. Le changement climatique est déjà en cours et pour éviter les pires conséquences, nous devons accélérer la transition vers une énergie plus propre et plus sûre. 

En adoptant des technologies d’énergie renouvelable, le monde troquera sa dépendance à l’égard d’une série de ressources naturelles contre une autre. On estime que la production de minerais tels que le cobalt, le lithium, le nickel et le cuivre devra être multipliée par six pour permettre la production, le transport, le stockage et l’utilisation de l’électricité produite par des sources plus propres telles que le vent, l’eau et le soleil. 

Le continent africain abrite une grande variété de ces minerais. 19 % des réserves mondiales de métaux nécessaires à la fabrication d’un véhicule électrique standard alimenté par batterie se trouvent en Afrique. On estime que la République démocratique du Congo possède à elle seule 60 % des réserves mondiales de cobalt. La Zambie est classée septième producteur mondial de cuivre, le Zimbabwe est le sixième producteur de lithium, tandis que Madagascar et le Mozambique possèdent d’importants gisements de graphite.

S’ils sont bien utilisés, les revenus de l’extraction des minerais de transition pourraient être le tremplin du développement des pays africains.

Mais l’extraction des minerais en Afrique est déjà en proie à la corruption, à l’opacité, aux dommages environnementaux et aux violations des droits humains. L’exploitation minière se fait souvent au détriment de la santé et des moyens de subsistance des populations locales. Les recherches indiquent que les femmes et les filles africaines sont touchées de manière disproportionnée par l’exploitation minière, ainsi que les communautés locales et les travailleur·euse·s des secteurs miniers artisanaux et de petite échelle.

Des accords secrets ayant un impact sur des populations entières sont conclus entre les entreprises et les gouvernements, sans que les citoyen·ne·s aient la possibilité de contrôler et de participer à la prise de décision. En conséquence, les revenus de l’extraction profitent souvent à un cercle restreint de personnes et ne se traduisent pas par une amélioration des moyens de subsistance des populations africaines. Les flux financiers illicites pèsent sur les budgets des pays, d’énormes quantités de capitaux étant captées par les élites politiques et commerciales et quittant massivement le continent.

La concurrence féroce, la demande et la recherche du profit dans la ruée vers les minerais de transition vont accroître la pression sur les pays producteurs africains pour qu’ils accélèrent l’octroi de licences et ouvrent l’exploitation minière dans des zones sensibles et à haut risque. Cela laisse le processus ouvert à la corruption et aggrave les violations des droits humains et de l’environnement, en particulier la pollution et la contamination de l’eau et de la terre, qui affectent gravement la santé des travailleur·euse·s et des populations environnantes. 

L’Afrique est également confrontée au défi de voir la plupart de ses minerais essentiels quitter le continent pour être traités ailleurs, les pays africains ne disposant souvent pas des connaissances techniques nécessaires pour assurer l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. De plus, les sociétés minières n’investissent pas toujours dans le personnel et les biens locaux, ce qui prive les pays africains d’une partie de leurs ressources.

Une exploitation des minerais de transition entachée de mauvaise gouvernance, de corruption, de surconsommation et de peu d’intérêt pour les populations et l’environnement, ne fera que répéter l’exploitation et les injustices du passé, et exposera le continent africain à un risque accru de pauvreté et d’instabilité, ainsi qu’à une augmentation des violations des droits humains et des dommages environnementaux.

Les dirigeant·e·s africain·e·s doivent s’unir et agir de toute urgence pour assurer que le marché émergent des minerais de transition soit bien réglementé, transparent, juste et équitable. Cela nécessite un effort coordonné urgent pour transformer la manière dont les minerais sont extraits, traités et consommés, en plaçant les populations africaines – et les communautés locales en particulier – au centre de toute décision qui les concerne.

Pour garantir une extraction, un approvisionnement et un traitement responsables des minerais de transition qui contribuent à une transition énergétique réussie en Afrique, les gouvernements, les entreprises, les institutions internationales et les investisseurs doivent :

 

Placer les personnes et la planète au cœur du processus : 

  • Fonder toutes les décisions relatives à l’extraction sur une évaluation globale des coûts et avantages réels de l’extraction et du traitement des minerais. Cette démarche ne se limite pas aux revenus, mais vise également à étudier les répercussions sur les personnes, l’environnement, la biodiversité et le climat, au travers d’études et d’enquêtes sociales et économiques objectives et approfondies, y compris des consultations directes et inclusives des personnes et des communautés touchées sur le terrain. 
  • Respecter les zones d’exclusion minière pour protéger les personnes et l’environnement dans les zones à haut risque.
  • Garantir une consultation et une participation significatives et inclusives de toutes les communautés touchées directement ou indirectement par l’exploitation minière. L’obligation d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones doit être perçue en tant que priorité et respectée, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Leur droit de donner ou de refuser leur consentement doit être garanti à tous les stades de l’extraction.
  • Extraire uniquement les minerais conformément aux normes internationales les plus rigoureuses en matière de droits humains et de l’environnement, au moyen d’une diligence raisonnable, transparente et respectueuse de l’égalité de genre. 
  • Réglementer et surveiller le secteur de l’exploitation minière artisanale et de petite échelle, afin de protéger les travailleur·euse·s contre les violations des droits humains et de lutter contre la corruption.
  • Garantir un contrôle efficace et indépendant des dispositifs de réclamation ainsi que des mesures d’atténuation et de correction mises en place par les entreprises.
  • Soutenir un moratoire mondial sur l’exploitation minière en eaux profondes, jusqu’à ce que des recherches scientifiques adéquates soient entreprises pour comprendre les impacts sur la biodiversité des eaux profondes, et veiller à ce que la prise de décision au niveau international, y compris émanant de l’Autorité internationale des fonds marins, soit transparente, responsable, inclusive et participative.
  • Élaborer et donner la priorité aux approches minières qui minimisent les répercussions sociales, environnementales et climatiques. Pour ce faire, il est nécessaire de coopérer pour concevoir des solutions et des technologies circulaires qui réduisent la consommation globale de minerais de transition, favorisent la réutilisation des matières et réduisent l’empreinte carbone du secteur.

 

Renforcer la gouvernance et la lutte contre la corruption :

  • Adopter et défendre la divulgation exhaustive des contrats et des licences (notamment les annexes), des paiements aux gouvernements au niveau des projets par les sociétés minières et les négociant·e·s en matières premières et des informations sur la propriété réelle, ainsi que la transparence dans la passation des marchés de biens et de services. La norme de l’ITIE constitue un point de départ pour garantir la transparence de l’extraction minière.
  • Veiller à ce que les sociétés minières divulguent des informations complètes sur leurs activités de responsabilité sociale des entreprises (RSE), et que ces dernières soient fondées sur les besoins réels des populations.
  • Identifier et atténuer explicitement les risques de corruption dans toutes les activités et opérations, en accordant une attention particulière aux processus à haut risque tels que l’octroi de licences, de permis et d’autorisations, les marchés publics, la vente et le commerce de matières premières, et les entreprises d’État. Le Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais, l’outil d’intégrité des entreprises du secteur minier responsable et l’outil d’évaluation des risques de corruption des prix miniers de Transparency International sont des points de départ pour initier ce travail.
  • Mettre en œuvre le principe de diligence raisonnable en matière d’intégrité, y compris les critères relatifs aux personnes aptes et appropriées, pour tou·te·s les participant·e·es à la chaîne d’approvisionnement en minerais.
  • Publier systématiquement les rapports d’Étude d’Impact Environnemental et Social et veiller à ce qu’ils soient réellement utilisés comme outil de prise de décision sur la manière et le lieu d’opérer.
  • Mettre en œuvre des cadres juridiques pour protéger les droits des militant·e·s, des lanceur·se·s d’alerte, des défenseur·se·s des droits humains et des terres, des journalistes et des médias indépendants, et démanteler les lois et les politiques qui entravent la liberté de la société civile et des médias.

 

Assurer une transition équitable à l’échelle mondiale :

  • Empêcher les élites politiques et commerciales de s’emparer des minerais de transition pour leur profit personnel. Cette pratique réduit les avantages pour les citoyen·ne·s, creuse et maintient les inégalités et augmente les coûts des minerais de transition.  
  • Mettre en œuvre une gestion transparente et équitable des revenus et des taxes, notamment la planification de la volatilité des revenus. Assurer la création de fonds spécifiques dédiés aux revenus des activités minières, permettant un meilleur suivi et une meilleure traçabilité de ces fonds.
  • Affecter les revenus à des projets de développement durable qui favorisent une transition juste et une diversification économique, et veiller à ce que les communautés de première ligne, en particulier les femmes, tirent profit de l’exploitation minière. 
  • Veiller à ce que les minerais de transition soient le moteur d’une transition énergétique juste pour tous les pays, et pas seulement les pays développés. Il s’agit notamment de garantir un soutien et des investissements au niveau mondial pour permettre aux pays producteurs de développer des économies plus fortes et de créer de l’emploi, par exemple par le biais du traitement des minerais de transition dans le pays, et de l’approvisionnement local. 
  • Donner la priorité aux politiques et aux investissements visant à réduire la consommation, notamment en augmentant le financement et les ressources pour les transports publics, l’efficacité énergétique et d’autres initiatives de réduction de la demande, et en investissant dans le recyclage et la réutilisation des matériaux.
  • Instaurer et renforcer des espaces mondiaux, nationaux et locaux sûrs pour que les personnes s’engagent significativement en faveur de la politique et de la législation en matière de transition énergétique, en accordant une attention particulière aux espaces destinés aux groupes traditionnellement marginalisés tels que les femmes et les minorités de genre, les peuples autochtones, les minorités ethniques et les jeunes.

 

En quête d’une vision commune de l’extraction des minerais de transition en Afrique

Cette tribune a d’abord été publiée en anglais dans le média sud-africain Daily Maverick.

Lisez nos recommandations pour une vision africaine commune sur les minerais de transition ici.

Les minerais dont disposent la Zambie et les autres nations africaines ont un rôle primordial à jouer dans un monde à faible émission de carbone. Néanmoins, il est essentiel de mener des réformes pour que nos populations bénéficient de la richesse créée par ces minerais, explique Nsama Chikwanka.

C’est une histoire qui ne cesse de se répéter à travers le monde : celle d’une nation qui pense pouvoir s’enrichir après la découverte de ressources minérales sur son territoire.

La population se prend alors à espérer que ses écoles, ses routes et son système de santé s’améliorent. Or la collectivité ne tire jamais profit de la richesse créée par ces ressources. En effet, ce sont les élites qui s’en emparent pour la transférer sur des comptes bancaires offshore ou financer un train de vie extravagant.

La Zambie a aujourd’hui l’occasion de mettre fin à ce schéma destructeur.

Si la demande en matières premières explose, c’est parce que le monde en a besoin pour garantir un avenir énergétique propre. Or la Zambie dispose de réserves abondantes de deux minerais essentiels : le cobalt et le cuivre, utilisés dans les technologies solaires et éoliennes, ainsi que dans la production de véhicules électriques. 

Aujourd’hui, le monde se rue sur ces matériaux pour les extraire.

Le 18 janvier dernier, le département d’État des États-Unis a publié un protocole d’accord avec la Zambie et la République démocratique du Congo (RDC) pour créer une chaîne d’approvisionnement de batteries pour les véhicules électriques. Selon ce protocole d’accord, il ne s’agirait pas seulement d’extraire le cuivre et le cobalt dans ces pays : les batteries elles-mêmes y seraient traitées, fabriquées et montées.

Ce protocole suit un précédent communiqué fait en décembre dernier par Hakainde Hichilema, président de la Zambie, qui annonçait que la société californienne KoBold Metals investissait dans l’exploitation d’une nouvelle mine dans le pays. Financée par Bill Gates et Jeff Bezos, cette entreprise s’appuie sur l’intelligence artificielle pour découvrir les gisements de minerais servant à la construction des batteries.

Des consultations lacunaires

La convoitise suscitée par nos ressources naturelles n’a rien de nouveau, la Zambie étant un grand pays producteur de cuivre depuis plus d’un siècle. 

Mais la demande de cuivre pourrait tripler d’ici 2040. Et compte tenu de la ruée qui se profile, nous ne devons pas reproduire les erreurs du passé. L’augmentation des prix du cuivre n’a jamais entraîné une baisse de la pauvreté et des inégalités dans notre pays. À ce jour, la Zambie reste une nation profondément inéquitable.

Si nous voulons que notre cuivre et notre cobalt favorisent notre développement et bénéficient à toute la population zambienne, il est nécessaire de mener d’importantes réformes politiques et juridiques.

La politique de développement des ressources minérales de 2022 et son plan de mise en œuvre, approuvés par le gouvernement du pays en novembre dernier, nous ont donné une chance unique d’œuvrer en ce sens. Cette politique définit la vision du gouvernement, qui veut maximiser les bénéfices qu’offrent les minerais en Zambie.

Pour y parvenir, il est nécessaire de réaliser de véritables consultations auprès du public, en particulier auprès des communautés vivant à proximité des sites d’extraction et qui sont directement affectées par l’exploitation minière.

Malheureusement, les consultations publiques sur la nouvelle politique ont été effectuées à la hâte et comportaient d’importantes lacunes. Les problèmes les plus urgents du secteur minier ne seront donc pas gérés, pas plus que les attentes citoyennes ne seront prises en compte. 

Dans le cadre de ma mission de coordinateur national de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) en Zambie, coalition de plus de 50 organisations de la société civile issues des 10 régions du pays et qui milite pour la transparence et la redevabilité du secteur extractif, je me suis longuement entretenu avec les communautés minières sur l’espoir qu’elles ont de voir leur vie s’améliorer grâce aux ressources minérales de la Zambie. Sur la base de ces entretiens, nous estimons que plusieurs mesures spécifiques peuvent être prises en ce sens. 

Tout d’abord, nous devons veiller à ce que toutes les décisions relatives à l’extraction des minerais s’appuient sur une évaluation complète des véritables coûts et bénéfices. Nous devons étudier pour cela les conséquences sur les populations, les terres, les forêts et l’eau. Quelles seront les répercussions de l’extraction des minerais sur la santé et la sécurité de notre population, mais aussi sur notre patrimoine naturel intangible et irremplaçable ? L’exploitation minière est étroitement corrélée aux autres secteurs. Nous avons donc besoin d’un cadre institutionnel qui favorise une extraction respectueuse de nos moyens de subsistance et de notre environnement. 

Pour ce faire, il est nécessaire de procéder à une consultation constructive et inclusive et d’impliquer toutes les communautés touchées par l’extraction des minerais.

Ensuite, la législation de la Zambie sur l’extraction minière doit se doter d’un mécanisme infranational de distribution des revenus. En effet, un tel cadre contraindrait les sociétés minières à verser de l’argent aux autorités provinciales, comme elles le font déjà chez notre voisin, le RDC.

Grâce à ce mécanisme, les communautés affectées par l’extraction des minerais pourraient recevoir une part attitrée des bénéfices que tire la Zambie de cette exploitation, être dédommagées des bouleversements qu’entraîne cette extraction dans leurs régions, et utiliser les fonds pour répondre aux besoins qui sont les leurs.

Enfin, comme les femmes sont les premières à souffrir des effets délétères de l’exploitation, nous devons leur allouer des fonds spécifiques pour les soutenir. Les inégalités de genre sont plus prononcées dans les pays qui dépendent fortement du secteur extractif, car ce sont les femmes qui sont le plus souvent désavantagées par les effets de l’extraction minière sur l’utilisation des terres, la pollution, les soins et l’exploitation sexuelle. 

Et notre politique minière ne doit pas soutenir uniquement les femmes. Elle doit aussi aborder le problème du travail des enfants dans ce secteur, pour que les jeunes de notre pays puissent profiter de leur enfance.

La politique minière 2022 ne dit rien sur la protection des enfants, alors que leur exploitation est endémique dans le secteur minier. 

Une transition équitable pour l’Afrique

Ces mesures spécifiques font partie des actions qui peuvent contribuer à favoriser le développement de la Zambie grâce à la révolution verte mondiale. Et cela vaut pour tous les pays riches en minerais. 

L’Afrique possède 30 % des réserves mondiales de minerais, dont beaucoup sont essentiels pour garantir un monde à faible émission de carbone. Le continent détient notamment 19 % des réserves mondiales de métaux nécessaires pour construire un véhicule électrique alimenté par une batterie standard.

Le RDC, Madagascar, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Mali, entre autres nations africaines, auront un rôle essentiel à jouer, car ces pays devront fournir les matières premières nécessaires pour répondre à l’essor de la demande en technologies d’énergies renouvelables.

Dans une déclaration publiée juste avant la récente conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27), plus de 250 organisations de la société civile ont mis en évidence les mesures clés que doivent déployer nos dirigeant·e·s si nous voulons une transition énergétique juste et équitable pour nos populations. La participation communautaire, la bonne gouvernance, la redevabilité et la transparence sont autant de principes en toile de fond qui doivent être appliqués à l’échelle du continent.

En adoptant une vision commune de l’exploitation des richesses naturelles de l’Afrique, nous pouvons lutter contre la pauvreté, les inégalités et les disparités de genre, financer l’éducation et le système de santé et mettre fin à la malédiction des ressources qui ronge une grande partie de notre continent depuis si longtemps.

Cette semaine, Le Cap accueille deux conférences, où les délégations pourront participer à l’élaboration d’une vision commune de l’extraction des minerais de transition en Afrique : l’African Mining Indaba, conférence émanant du secteur, et l’Alternative Mining Indaba (AMI), créée il y a 13 ans car la société civile était historiquement exclue de la première conférence. Pour que le succès soit au rendez-vous, il est nécessaire de mettre les populations, notamment les communautés touchées par l’exploitation minière, au cœur de cette vision, et de leur donner voix au chapitre dans les décisions qui les concernent.   

Nsama Chikwanka est le coordinateur national de Publiez ce que vous payez (PWYP) Zambie, qui fait partie du mouvement mondial pour une industrie extractive ouverte et responsable. PWYP Zambie soutient les communautés affectées par l’exploitation minière et est une coalition de plus de 50 organisations de la société civile de toutes les régions du pays.

 

Gabon : une histoire d’espoir et de détermination

Après presque dix ans d’absence, le Gabon a réintégré l’ITIE. Publiez Ce Que Vous Payez Gabon a joué un rôle essentiel dans ce processus. Paul Aimé Bagafou présente les leçons apprises en cours de route.

Le chemin du Gabon en vue de sa réintégration à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), la norme mondiale pour assurer une gouvernance appropriée des ressources pétrolières, gazières et minières, s’est avéré long et difficile.

A plusieurs reprises, les chances permettant à notre pays de recouvrer le statut de membre de l’ITIE, perdu en 2013, semblaient bien minces. Nous avons été confronté·e·s à de nombreuses difficultés, notamment lorsque PCQVP Gabon et d’autres groupes de la société civile ont fait l’objet de harcèlement et d’intimidation.

Et pourtant, nous n’avons jamais fléchi, jouant un rôle fondamental dans le cadre de la réintégration du Gabon à l’ITIE en octobre 2021.

Nous avons maintenant la possibilité d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire de notre secteur extractif : un secteur qui a longtemps été mis à mal en raison de sa gestion inappropriée et de la corruption l’entourant, sans oublier les groupes d’intérêt qui ont accaparé le butin provenant de nos abondantes ressources naturelles aux dépens des citoyen·ne·s gabonais.

Le récit de ce chemin accompli, les revers et les progrès réalisés en cours de route, offre des leçons marquantes aux organisations de la société civile du monde entier qui doivent faire face à des obstacles similaires, pour veiller à une plus grande redevabilité et transparence des industries extractives de leurs pays.

Une fenêtre d’opportunités

Tout d’abord, il convient de souligner quelques éléments contextuels essentiels.

Cinquième producteur de pétrole d’Afrique et doté d’autres richesses naturelles, notamment des forêts tropicales et des sols fertiles, le Gabon a connu une croissance économique plutôt forte au début des années 2010, ce qui lui a permis d’accéder au statut de pays à revenu intermédiaire, même si une grande partie de la population est restée prisonnière de la pauvreté.

Le pétrole représente 80 % des exportations du Gabon et 45 % de son PIB, mais notre forte dépendance à son égard nous a mal préparé·e·s lorsque les turbulences sont survenues.  

Celles-ci sont arrivées avec le choc pétrolier de 2014, les violences politiques qui ont éclaté à la suite des élections de 2016, puis la pandémie de COVID-19.

La pauvreté et le chômage ont augmenté, la croissance économique a marqué le pas, nos réserves de change ont diminué et les filets sociaux protégeant les plus pauvres de la société se sont désintégrés.

En désespoir de cause, en 2017, le Gabon s’est tourné vers le Fonds monétaire international (FMI) pour recevoir du soutien.

Ainsi, la société civile a eu l’occasion de faire pression en vue de la réintégration du Gabon à l’ITIE, révoquée en 2013 après avoir omis de soumettre son rapport de validation dans les délais impartis.

Notre coalition a insisté pour que l’accès aux fonds du FMI soit conditionné au retour du Gabon à l’ITIE. Notre gouvernement a accepté. Par conséquent, un espace dédié à la société civile a été instauré. Cependant, nous avons d’abord dû nous organiser. Une société civile légitime et organisée qui peut participer librement au contrôle des activités extractives constitue une condition préalable à la réintégration à l’ITIE. Et nous en étions loin.

Sous pression

Pour les organisations de la société civile (OSC), les années qui ont suivi l’éjection du Gabon de l’ITIE ont été sombres.

Le groupe de la société civile travaillant sur l’ITIE s’est effondré, et les membres de la coalition PCQVP au Gabon ont dû faire face à une pression intense de la part des autorités.

Marc Ona Essangui, alors coordinateur national de PCQVP Gabon et membre du comité multipartite chargé de mettre en œuvre l’ITIE du Gabon, et Georges Mpaga, qui ont créé la coalition de PCQVP en 2007, ont tous deux été victimes de harcèlement.

En 2013, par exemple, Marc Ona Essangui a été condamné à six mois de prison avec sursis et à une amende de cinq millions de francs CFA pour diffamation contre le chef de cabinet du président du Gabon, après avoir affirmé qu’il possédait la filiale locale du groupe agroalimentaire singapourien Olam.

Remettre les OSC sur les rails  

Finalement, ces obstacles ont été surmontés.

Après une première tentative infructueuse en 2018, PCQVP Gabon a finalement réussi à réunir l’ensemble des acteur·rice·s de la société civile travaillant sur la bonne gouvernance du secteur extractif, à les former sur le fonctionnement de l’ITIE et à organiser un vote inclusif pour élire les représentant·e·s au groupe multipartite de l’ITIE.  

Nous avons adopté une charte sur la représentation de la société civile au sein de l’ITIE et – point crucial -, nous avons intégré les organisations de femmes au cœur du processus.  

Pour mener à bien ce travail, nous avons reçu le soutien technique et financier du secrétariat international de PCQVP, dans le cadre de ses efforts continus visant à renforcer et à étendre l’influence de la société civile dans l’ITIE. 

Enfin, en 2021, nos efforts ont été récompensés et le Gabon a été réintégré au sein de l’ITIE. 

Des avantages tangibles

Pour la société civile, les avantages du retour du Gabon dans l’ITIE sont incommensurables. 

Lorsque le Gabon était exclu de l’Initiative, la société civile se retrouvait les mains liées alors qu’elle tentait de renforcer la redevabilité et la transparence du secteur extractif.

Nous n’avions aucun moyen de pression réel pour obtenir la divulgation des contrats pétroliers, ou encore des rapports d’évaluation de l’impact social et environnemental. Nous étions paralysé·e·s dans nos activités visant à défendre les intérêts des communautés directement touchées par l’extraction.

Le vent est en train de tourner, la réintégration du Gabon à l’ITIE porte déjà ses fruits. 

En juin 2022, par exemple, le groupe multipartite de l’ITIE a adopté son plan de travail. Nous disposons maintenant d’une feuille de route pour renforcer la gouvernance et la transparence dans le secteur extractif gabonais. Ce plan veille à la durabilité de la croissance économique insufflée, pour qu’elle profite à l’ensemble de la population, et contribue à leur prospérité. Grâce à la société civile, ce plan inclut des travaux visant à garantir que les communautés bénéficient davantage des projets extractifs par le biais de transferts infranationaux. La société civile a également réussi à faire en sorte que le plan de travail intègre des activités qui favoriseront la transparence des contrats, notamment une étude diagnostique sur les mécanismes de transparence et de contrôle citoyen pour l’attribution des contrats, des licences, etc.

Des leçons essentielles 

Un certain nombre de leçons importantes peuvent être tirées de notre parcours pour réintégrer l’ITIE :

  • disposer d’une coalition résiliente est indispensable pour identifier les opportunités permettant la réalisation des objectifs. Une société civile divisée est synonyme d’échec, mais il existe toujours des solutions ;
  • les autorités et les entreprises résistent souvent au changement et peuvent considérer la société civile avec méfiance, bien que notre objectif consiste à améliorer le quotidien des personnes. Les OSC doivent donc assurer la collaboration la plus positive possible, afin que la confiance s’installe et que des progrès soient réalisés. Ces efforts peuvent nécessiter du temps ;
  • la société civile doit s’approprier la lutte. Les autorités doivent également se rendre compte que la société civile dans son ensemble est mobilisée, et que cette mobilisation inclut les personnes qui travaillent directement avec les communautés affectées par les projets extractifs, ainsi que les communautés elles-mêmes. Les OSC doivent être capables de se déplacer librement et sans crainte pour favoriser cet engagement auprès des communautés, et contribuer à leur autonomisation ;
  • le guide de l’ITIE à l’intention de la société civile représente un outil pratique, contenant des mesures concrètes permettant aux OSC de maximiser leur influence, notamment la sélection des meilleur·e·s représentant·e·s de la société civile, et de veiller à leur redevabilité à l’égard des collèges ;
  • les OSC doivent s’efforcer d’accroître leur visibilité en participant à toutes les activités liées à leur problématique. Cela leur permet d’afficher leur expertise et de mettre en avant la précieuse contribution sociétale qu’elles peuvent apporter ; 
  • avant tout, les OSC ne doivent pas se décourager. Veiller à ce que les citoyen·ne·s bénéficient des ressources naturelles de leur pays est un travail de longue haleine. Constater des progrès peut prendre du temps.

Le statut ITIE retrouvé du Gabon témoigne de la détermination de notre coalition.  

Mais ce n’est qu’une étape d’un long voyage. Pour atteindre notre objectif visant un secteur extractif durable, redevable et transparent, de nouveaux défis nous attendent, et nous sommes prêt·e·s à les relever.

Paul Aimé Bagafou est le Coordinateur national de PCQVP au Gabon. Fervent défenseur des droits humains et fort de plus de 21 ans d’expérience dans le secteur associatif, Paul Aimé a fondé l’ONG Observatoire citoyen des industries extractives (OCIE) en 2016. Il possède une solide expertise dans le secteur des hydrocarbures : il a notamment été secrétaire général de l’Organisation nationale des employés du pétrole (ONEP) du Gabon de 2013 à 2017.

Profonde inquiétude quant à d’éventuelles poursuites contre Ketakandriana Rafitoson à Madagascar

Le Comité de pilotage Afrique de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) est profondément préoccupé par l’éventuelle poursuite judiciaire de Ketakandriana Rafitoson, Coordinatrice Nationale de PCQVP et Directrice Exécutive de Transparency International Initiative – Madagascar (TI-MG). 

Ketakandriana et le Président du conseil d’administration de TI-MG, Dominique Rakotomalala, ont été convoqués par les autorités sur la base d’accusations déposées par le Groupement des Exportateurs des Litchis (GEL). Cela fait suite au dépôt d’une dénonciation de faits potentiels de corruption, de fraude et de blanchiment d’argent dans le secteur du litchi à Madagascar, fait par TI-MG auprès du Pôle Anti-corruption (PAC) de Madagascar et du Parquet National Financier (PNF) en France, le 10 novembre dernier.  Le but de la démarche est d’amener ces juridictions à ouvrir des investigations officielles qui confirmeront ou infirmeront ces soupçons, et à prononcer des peines en conséquence, le cas échéant. 

“Il est très inquiétant de voir notre collègue convoquée par les autorités après avoir fait son travail de dénonciation de malversations potentielles. Nous suivons la situation de près et nous espérons que les autorités prendront des mesures immédiates pour mettre fin à ce qui semble être du harcèlement de la part du secteur de l’industrie.”

a déclaré Fatima Mimbire, représentante du Comité de pilotage Afrique de PCQVP pour l’Afrique orientale et australe. 

“Un espace civique libre est vital pour un pays désireux de mettre fin à la corruption et d’encourager la responsabilité. Les défenseur·e·s des droits humains sont essentiels pour que cela puisse se produire.”

 

Les minerais de transition pourraient transformer la RDC, mais les communautés locales doivent avoir leur mot à dire

Cette tribune a d’abord été publiée en anglais le 13 novembre 2022 dans The Independent – Ouganda.

Les minerais de transition pourraient transformer la République démocratique du Congo (RDC), mais les communautés locales doivent avoir leur mot à dire, écrit Jean-Claude Katende, coordinateur de Publiez Ce Que Vous Payez RDC.

Depuis le 19e siècle et le régime colonial assassin instauré par la Belgique et Léopold II, les ressources naturelles du Congo sont pillées, au détriment de la population.

Depuis près de 150 ans, la corruption ainsi qu’une extrême violence entachent l’extraction de notre caoutchouc, de notre ivoire, de notre or, de notre bois et de nos diamants. Les responsables de ces ravages sont à la fois locaux·ales et étranger·ère·s. Pendant ce temps-là, la plupart des Congolais·e·s ne profitent pas des avantages économiques ou sociaux issus de nos richesses naturelles et dépérissent dans la pauvreté.

Aujourd’hui, les minerais de la République démocratique du Congo (RDC) sont convoités pour propulser le monde vers un avenir énergétique propre.

Il est urgent de décarboner le monde pour endiguer le chaos climatique et veiller à ce que notre planète reste habitable. Selon une estimation, il faudra pour cela multiplier par six la production de minerais tels que le cobalt, le lithium, le nickel et le cuivre, nécessaires pour produire, transporter, stocker et utiliser l’électricité générée par des énergies plus propres comme le vent et le soleil. 

La RDC et d’autres parties d’Afrique qui détiennent de vastes réserves de ces minerais de transition joueront alors un rôle clé.  

Un tremplin pour le développement ?

Le cobalt est l’un des minerais les plus recherchés au monde ainsi que l’un des principaux composants des batteries lithium-ion qui alimentent notamment les véhicules électriques.

La RDC est de loin le plus grand pays producteur de cobalt : en 2020, quatre mines congolaises ont produit à elles seules 41% de l’approvisionnement mondial en cobalt. L’Afrique, quant à elle, détient 19% des réserves mondiales en métaux nécessaires pour fabriquer un véhicule électrique avec une batterie standard.  

L’essor actuel des minerais de transition va continuer de s’accélérer.

La Banque mondiale a conclu que la production de minerais tels que le cobalt pourrait augmenter de près de 500% afin de répondre à la demande en technologies d’énergies renouvelables. Par ailleurs, selon une étude menée par l’Université d’État du Michigan, la valeur des gisements de minerais bruts inexploités en RDC dépasse les 24 milliards de dollars.

Correctement utilisée, cette richesse pourrait devenir un tremplin qui nous permettrait de développer notre pays et d’offrir à nos citoyen·ne·s les services sociaux dont ils·elles ont tant besoin : de l’eau propre, de l’électricité, des routes en bon état, des écoles, des soins de santé et une sécurité économique.

Mais pour le moment, nous en sommes encore loin.

L’exploitation des minerais de transition continue de profiter à la classe dirigeante et aux entreprises, aux dépens des citoyen·ne·s lambda. Le secteur extractif est toujours en proie à la corruption, à une mauvaise gouvernance ainsi qu’à des violations des droits humains et de l’environnement. Si cela continue, il n’offrira pas de véritable opportunité de transformation à la RDC ni à l’Afrique et ne fera qu’exacerber la misère qui accompagne depuis si longtemps l’exploitation de nos ressources naturelles. 

Des violations omniprésentes

Nous y faisons déjà face. Au Lualaba et au Haut-Katanga, les deux provinces qui se trouvent au cœur de l’industrie minière du cobalt et du cuivre en RDC, les violations des droits humains et la destruction environnementale sont monnaie courante. Les populations sont largement exclues des profits et des opportunités d’emploi générés par l’afflux d’entreprises minières internationales.

Le Ministère du Travail des États-Unis a estimé qu’environ 35 000 enfants travaillent dans les mines de cobalt en RDC, principalement dans des mines artisanales et à petite échelle. Des personnes qui ne sont pas officiellement employées par les sociétés minières extraient des minerais dans des conditions souvent déplorables et les vendent à des intermédiaires sur des marchés ouverts. Les minier·ère·s artisanaux·ales et autres résident·e·s locaux·ales sont victimes de violence et peuvent même être tué·e·s par les forces de sécurité pour avoir empiété sur les sites miniers industriels.

Pourtant, la pression est de plus en plus forte partout dans le monde pour faire changer cela et pour que la ruée vers les minerais utilisés pour les technologies d’énergies renouvelables ne s’accompagne pas des mêmes erreurs produites par le passé.

La dynamique du changement

Ce mois-ci, 250 organisations de la société civile issues de 62 pays différents ont interpellé les dirigeant·e·s mondiaux·ales ayant assisté à la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) en Égypte. Leur objectif est d’initier un réel changement dans la manière dont les minerais sont extraits et utilisés et de chercher des solutions qui permettront de réduire la dépendance au secteur extractif.

Ces organisations, dont la coalition de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) RDC fait partie, œuvrent dans plusieurs domaines, depuis la protection de l’environnement et des droits humains jusqu’à la lutte contre la corruption. Elles représentent différents groupes marginalisés, notamment les communautés locales, les femmes et les jeunes.

Un point clé de nos demandes est que les communautés concernées par l’exploitation minière à travers le monde soient consultées de manière significative et participent aux décisions affectant leur vie, qu’elles aient le droit de refuser de consentir à l’exploitation minière et que les minerais soient uniquement extraits selon les normes internationales les plus rigoureuses en matière de droits humains et de l’environnement.

Nous devons aussi veiller à ce que les communautés qui se trouvent en première ligne puissent bénéficier de l’exploitation minière. Des revenus doivent être alloués aux projets de développement durable permettant la diversification économique. En RDC, le système de collecte et d’allocation de ces revenus devrait être numérisé et la capacité des agents locaux chargés de mettre en œuvre des plans de développement à l’échelle des communautés locales devrait être renforcée.   

La lutte contre la corruption et une gouvernance renforcée comme conditions préalables

Il est essentiel que le marché des minerais de transition soit bien réglementé, transparent, juste et équitable. 

Pour cela, il faudra mener une lutte acharnée contre la corruption et le détournement de fonds, grâce à un système juridique impartial, plus fort et plus proactif.

La divulgation exhaustive des contrats miniers est essentielle pour éliminer la corruption et renforcer la gouvernance dans le secteur extractif. En tant que membre de l’Initiative pour la transparence des industries extractives, la RDC elle-même est tenue de respecter cette condition.

Nous devons écrire un nouveau chapitre de l’histoire de l’extraction des ressources naturelles en RDC mais aussi en Afrique : un chapitre dans lequel nos sociétés seront transformées de manière positive par les minerais de transition et dans lequel nous nous battrons pour mettre fin à la crise climatique à laquelle notre continent n’a que très peu contribué.

 

Fervent défenseur des droits humains, Jean-Claude Katende plaide depuis longtemps en faveur de la transparence et de la bonne gouvernance des industries extractives. Il est coordinateur national de PCQVP RDC, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO) et vice-président de la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH). 

Les femmes revendiquent une part du boom de l'”or rouge” en Guinée

Au lieu de récolter les bénéfices du marché croissant de la bauxite en Guinée, les femmes en ont payé le prix fort. Elles tentent aujourd’hui de changer les choses, écrit Hadja Aicha Barry de Publiez Ce Que Vous Payez Guinée.

Lorsque le président guinéen Alpha Condé a été renversé le 5 septembre 2021 après 11 ans passés au pouvoir, les commentateurs internationaux n’ont pas tardé à souligner le fossé entre la pauvreté persistante de la Guinée et sa transformation en une puissance minière.

L’essor minier de la Guinée est dû aux vastes gisements de bauxite, la roche rougeâtre à partir de laquelle l’aluminium est produit, qui se trouvent sous la surface de notre sol. Nous en sommes le deuxième plus grand producteur au monde et possédons des réserves plus importantes que tout autre pays. La Chine importe de chez nous près de la moitié de sa bauxite et, avec la Russie, elle a investi des milliards de dollars dans l’exploitation minière en Guinée. Nos exportations sont passées d’un montant de 597 millions de dollars américains en 2015, à  3,3 milliards de dollars en 2020.

Cet essor ne s’accompagne pourtant pas d’une nouvelle ère de prospérité pour la population. Une grande partie des 13 millions de Guinéens restent prisonniers de la pauvreté, leur vie étant aussi précaire aujourd’hui qu’en 2015. Pendant les années où nos exportations de bauxite ont explosé, notre Indice de Développement Humain est resté désespérément bas. Et les femmes, en particulier, ne profitent pas des dividendes de l’exploitation minière.

Dysfonctionnement

L’incapacité à traduire le boom de la bauxite en Guinée – notre “or rouge” – en bénéfices tangibles pour la majorité de notre peuple, est liée au dysfonctionnement qui ronge le secteur minier guinéen depuis des années.

Ce dernier a fait l’objet d’accusations de corruption et de dommages environnementaux. Les communautés vivant à proximité des mines voient certains de leurs droits humains violés, lorsque des compagnies minières multinationales les chassent de leurs terres ancestrales.

Mais si tout cela est bien documenté, deux éléments importants sont souvent ignorés : l’impact disproportionné de l’exploitation minière sur les femmes et le peu de place accordée à leur voix dans les décisions concernant le secteur.

Les femmes paient le plus lourd tribut

La Guinée, comme tant d’autres pays, souffre d’inégalités liées au genre. Notre société est fortement dominée par les hommes, et les rôles décisionnels des femmes, tant au sein de nos propres familles que dans la société en général, sont souvent limités en raison de facteurs socioculturels.

Étant engagée pour une meilleure gouvernance des ressources naturelles, particulierement en tant que membre de la coalition guinéenne de Publiez Ce Que Vous Payez, un mouvement mondial agissant pour un secteur extractif transparent et redevable, je vois quotidiennement comment ces inégalités se reflètent dans l’exploitation minière. Les femmes bénéficient moins des avantages du secteur que les hommes, et subissent davantage ses conséquences négatives.

À Boké, la région du nord-ouest où se concentre le boom de la bauxite en Guinée, les dommages causés par l’exploitation minière comprennent la baisse de la fertilité des sols ; la diminution des terres disponibles pour la culture ; la pollution des terres par le dépôt d’une poussière rouge chargée de particules fines répandues par les camions qui transportent la bauxite, ainsi que des pénuries d’eau, le manque d’électricité ;  d’infrastructures de base ( routes, écoles, centres de santé etc.….). Les femmes en sont les premières victimes : ce sont elles qui doivent trouver d’autres sources de nourriture et voyager plus loin pour aller chercher de l’eau et du bois de chauffe. En cas de déplacement forcé, elles n’ont souvent aucun droit liés à la propriété des terres et ne reçoivent pas de compensation. Elles sont enfin exposées à la violence basée sur le genre, un fléau dans les zones minières.

Pourtant, ce sont les hommes que les mines emploient le plus souvent, et les dirigeants communautaires masculins qui reçoivent généralement une compensation financière des sociétés minières pour leurs activités dans leur région. Les femmes sont également sous-représentées dans les sphères administratives, politiques et dans les entreprises minières. Selon l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE)-Guinée – et grace au plaidoyer que nous avons mené pour obtenir des données désagrégées par sexe – sur environ 20 sociétés minières actives répertoriées à Boké, une seule femme occupait un poste de direction en 2019.

La voie à suivre

Aux côtés d’autres femmes de la société civile, je me bats pour que nous soyons mieux représentées dans le secteur minier en Guinée et pour que nous recevions une part équitable des bénéfices du secteur.

Concrètement, cela signifie travailler à tous les niveaux : auprès des communautés d’abord, en les sensibilisant aux droits des femmes et en suscitant l’intérêt des femmes pour la gouvernance des industries extractives au niveau local. Auprès des entreprises ensuite, notamment en les poussant à établir des quotas pour les femmes employées et à créer des partenariats avec les femmes au niveau local.  Auprès des autorités enfin, pour par exemple nous assurer que 20% du fonds de développement local versé par les entreprises extractives bénéficient aux femmes.

Mais il nous faut aussi un cadre plus global, et c’est pourquoi nous demandons une politique nationale, et notamment un code minier, sensibles au genre. En tant que membre de l’ITIE, la norme mondiale de bonne gouvernance dans le domaine du pétrole, du gaz et des ressources minérales, la Guinée doit encourager le leadership des femmes dans le secteur extractif. Nous veillons à ce que nos autorités prennent des mesures concrètes dans ce sens.

Tout ceci contribue à mettre fin à la misère que l’expansion de l’exploitation minière a apportée à de nombreuses femmes guinéennes.

Grâce à d’autres actions – notamment l’amélioration de la transparence et de la responsabilité de l’industrie minière par la publication intégrale des contrats miniers, et le partage plus équitable des bénéfices tirés de nos ressources naturelles, la Guinée peut mettre fin à la “malédiction des ressources” qui a accompagné sa croissance en tant que puissance minière. Nos abondantes réserves de bauxite pourront alors être une bénédiction pour tout notre peuple et contribuer à renforcer le fragile tissu politique et social de la Guinée.

Hadja Aicha Barry est membre fondatrice et Vice-présidente de PCQVP Guinée, et membre du comité de pilotage de l’ITIE-Guinée, où elle travaille particulièrement sur les droits des femmes. Elle a fondé la Coalition Guinéenne des Femmes pour les Mines et le Développement Durable.

Cette opinion a d’abord été publiée dans le média Deutsche-Welle Afrique.

Droits des femmes dans la gouvernance des ressources naturelles en Afrique de l’Ouest: Efforts encourageants, progrès timides

En 2019, la Norme Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) a intégré des Exigences pour rendre le processus plus sensible au genre. Trois ans plus tard, ces nouvelles Exigences ont-elles été mises en œuvre au Burkina Faso, en Guinée et au Sénégal ?

Ont-elles favorisé la prise en compte des droits des femmes dans le secteur de l’extraction des ressources naturelles ? 

Qu’est-ce qui a changé pour les femmes

Ces questions ont fait l’objet d’une étude par les coalitions Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) dans ces trois pays. Le bilan est mitigé : les Exigences ont une influence certaine sur les débats, mais encore peu d’avancées concrètes sont constatées.

Le rapport propose de nombreuses pistes pour améliorer la mise en œuvre des Exigences et renforcer le rôle de l’ITIE dans la promotion des droits des femmes.

La prochaine frontière de la transparence – Pourquoi la société civile doit-elle se concentrer sur les l’approvisionnement de l’industrie extractive ?

Le chemin parcouru par le mouvement mondial pour la transparence dans les industries extractives est assez remarquable. L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) compte désormais cinquante-cinq pays membres, et la société civile a réussi à faire pression sur les gouvernements du Royaume-Uni, de l’Europe et du Canada pour qu’ils adoptent des lois obligeant les sociétés minières, pétrolières et gazières qui y ont leur siège à déclarer les paiements de revenus effectués aux gouvernements de tous les pays où elles opèrent.

En ce qui concerne l’exploitation minière, de nombreuses organisations de la société civile peuvent être surprises par le fait qu’en termes de dollars dépensés, dans pratiquement tous les cas, un site minier dépense beaucoup plus d’argent dans les pays d’accueil pour l’achat de biens et de services que pour les taxes.

Figure 1: Distribution des revenus bruts générés par les industries extractives, cumulés de 2000 à 2017 estimée par l’Institut de Gouvernance des Ressources Naturelles (NRGI), Beneath the Surface: The Case for Oversight of Extractive Industry Suppliers, p. 5

L’Institut de Gouvernance des Ressources Naturelles (NRGI) estime que 45 % de tous les revenus dépensés par les sociétés minières vont aux fournisseurs dans le monde. Si l’on considère les dépenses effectuées par les sociétés minières au niveau pays, ce chiffre augmente encore plus. Par exemple, le Conseil Mondial de l’Or (World Gold Council) a constaté qu’en 2013, parmi ses sociétés membres, 71 % de tous les paiements effectués dans le pays étaient destinés aux fournisseurs.

Dans la production de pétrole et de gaz, les gouvernements prennent une part plus importante des revenus globaux dépensés par les sociétés productrices, mais étant donné que l’échelle de l’activité globale est tellement plus élevée, ces 26% allant aux fournisseurs représentent des dépenses beaucoup plus importantes en dollars. Dans l’ensemble, NRGI a estimé que près de mille milliards de dollars chaque année ont été dépensés par les entreprises minières, pétrolières et gazières au profit des fournisseurs de 2018 à 2017.

Dans le secteur minier, qui fait l’objet de notre attention dans le cadre de l’initiative “Mining Shared Value”, un site minier typique à grande échelle peut dépenser des centaines de millions de dollars (US) chaque année pour tous les intrants dont il a besoin.

Toutes ces dépenses d’approvisionnement en biens et services ne seront pas consacrées à des biens fabriqués localement ou à des services fournis par des entreprises détenues et gérées localement. Cependant, avec des centaines de millions dépensés chaque année, cela montre que même de petits changements dans les dépenses d’approvisionnement peuvent faire en sorte que des millions de dollars restent plus près du site de la mine.

Les dépenses d’approvisionnement des sociétés minières sont donc une occasion importante pour les pays abritant les industries de tirer des avantages économiques et sociaux significatifs de l’activité minière – si elles sont bien gérées.

À l’inverse, si ces dépenses considérables peuvent favoriser une croissance économique significative et le développement des compétences, l’approvisionnement des entreprises de l’industrie extractive peut également représenter un risque majeur de corruption et d’autres pratiques problématiques. Les entreprises peuvent soudoyer les sociétés de l’industrie extractive pour obtenir des contrats, par exemple, ou une société minière peut utiliser l’approvisionnemt comme un moyen de verser des pots-de-vin à des fonctionnaires.

Pour une très bonne illustration de ce risque, on peut examiner le scandale de l’Operação Lava Jato (Opération Lavage de Voiture) au Brésil. Dans ce scandale, des cadres de la compagnie pétrolière publique Petrobras auraient accepté des pots-de-vin de la part d’entreprises et, en échange, auraient attribué des contrats aux entreprises de construction ayant fourni de l’argent liquide, à des prix gonflés.

Dans Beneath the Surface : The Case for Oversight of Extractive Industry Suppliers, NRGI a examiné plus de 40 cas de corruption dans l’industrie extractive, et a trouvé des exemples où les fournisseurs étaient des acteurs des abus dans au moins vingt-neuf pays sur les cinq continents.

Ce potentiel d’avantages économiques importants provenant de l’approvisionnement de l’industrie extractive, et en même temps ce risque majeur de corruption, signifie que nous avons besoin de plus de transparence dans la façon dont les entreprises minières, pétrolières et gazières se procurent des biens et des services.

C’est pourquoi, en 2017, avec nos partenaires de la GIZ, nous avons lancé le Mécanisme de Reporting sur l’Approvisionnement Local dans le secteur minier (MRAL, ou Local Procurement Reporting Mechanism, LPRM en anglais), qui est un ensemble de divulgations visant à augmenter et à standardiser la manière dont les sites miniers rendent compte de leurs politiques d’achat, de leurs processus et, en fin de compte, du montant des dépenses effectuées auprès des fournisseurs du pays d’accueil.

Depuis octobre 2021, neuf sociétés minières utilisent le LPRM et rendent compte de leurs activités sur vingt-trois sites répartis dans treize pays.

Bien qu’elles soient destinées au secteur minier, les divulgations sont pour la plupart également applicables au secteur pétrolier et gazier. En fait, l’ITIE au Sénégal utilise déjà plusieurs des divulgations du LPRM dans ses demandes d’informations aux entreprises pétrolières et gazières, en plus de celles du secteur minier.

Aujourd’hui, nous travaillons avec des organisations de la société civile du monde entier pour les aider à comprendre les enjeux importants de l’approvisionnement local dans le secteur minier, et comment ils peuvent faire pression pour plus de transparence.

En partenariat avec Publiez Ce Que Vous Payez, et avec le soutien d’OSIWA, nous avons été ravis de lancer récemment « Promouvoir les liens en amont et la transparence : Guide de la société civile sur le Mécanisme de Reporting sur l’Approvisionnement Local dans le secteur minier ».

Nous ne comptons toujours pas, nous sommes toujours comptées !

La Francophonie a révélé dans une étude intitulée « La place des femmes dans le secteur extractif Francophone » qu’un tiers des réserves minérales mondiales se trouverait en Afrique, dont plus de la moitié des minerais rares. À titre d’exemple, la Guinée abrite la plus grande mine de bauxite à ciel ouvert au monde, le Burkina Faso, quatrième producteur d’or d’Afrique ou encore le Sénégal l’un des principaux producteurs de phosphates et de zircon. Malheureusement, cette richesse ne contribue pas suffisamment à la croissance de ces pays, et donc à leurs citoyens qui continuent de vivre dans la pauvreté ; et les femmes restent les plus impactées.

Force est de constater que le secteur des industries extractives laisse une place peu enviable aux femmes. Il est dominé par les hommes et est marqué par des inégalités de genre. Les femmes sont largement sous-représentées. Aujourd’hui le défi reste pour les gouvernements de remédier à toutes ces disparités, en améliorant l’exploitation de leurs ressources naturelles de manière transparente et équitable tout en tenant compte de l’égalité genre.

L’égalité genre : Qu’est ce qui est fait jusque-là?

Les dispositions liées à l’égalité des sexes dans la Norme ITIE 2019 commencent à faciliter une prise de décision plus inclusive, mais il reste encore un long chemin à parcourir. La norme a intégré des dispositions sur le genre, une grande première. Les nouvelles dispositions ont pour but d’améliorer la participation des femmes dans la gestion des ressources extractives.

Désormais, elle, fait obligation aux groupes multipartites de tenir compte de l’équilibre homme-femme dans leur composition et de divulguer des données sur l’emploi par entreprise, par genre et par niveau d’emploi.

Par exemple au Burkina Faso, la représentation des femmes dans le GMP a connu une grande évolution. Elle est passée de 16 à 32%, soit 8 femmes sur 25 membres selon une étude de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) en Afrique de l’Ouest.

En Guinée, lors de la campagne de dissémination du rapport ITIE tenue en 2021, les organisations féminines sont ajustées davantage et leur prise de parole encouragée, seulement le nombre de femmes n’a pas dépassé 10%, d’après toujours une étude de PCQVP.

Si les ressources extractives doivent profiter aux communautés, les femmes et les hommes doivent être impliqués dans la gestion et la gouvernance du secteur extractif pour au final qu’ils puissent bénéficier d’un accès égal aux emplois.

Un autre point important : le partage et l’accès aux informations. Pour Zainab Ahmed, actuelle Ministre des Finances, du Budget et de la Planification du Nigéria :

« La divulgation des données est essentielle pour améliorer l’inclusion des femmes, car elle fournit aux gouvernements, aux entreprises et aux autres parties prenantes les informations dont ils ont besoin pour identifier les domaines où les femmes sont sous-représentées ou marginalisées de manière disproportionnée, afin qu’ils puissent intervenir et appliquer les mesures nécessaires ».

Elle estime que le partage des données assure également le respect de la transparence et la redevabilité.

« Par exemple, obliger les entreprises à divulguer des statistiques sur l’emploi, ventilées par sexe, permettrait d’adopter des pratiques plus inclusives en matière d’embauche. »

De grands défis persistent toujours

  • Jusqu’où les femmes sont-elles représentées?

Les industries extractives sont exploitées et gouvernées par les hommes de façon disproportionnée, et les politiques sectorielles tenant compte du genre sont relativement rares. En général, entre 80 et 90 % des emplois sur un site d’exploitation de ressources naturelles sont occupés par des hommes. Des   chiffres avancés par la Banque Mondiale dans son étude dénommée « L’exploitation minière en Afrique, les communautés locales en tirent-elles parti ? ».

Pour le cas du Sénégal, les femmes s’activant dans les industries extractives représentent moins de 25% des effectifs employés, informe la coalition nationale Publiez Ce Que Vous Payez. Des chiffres sur l’emploi formel du Rapport ITIE Sénégal 2019, mettent la lumière sur la représentativité des femmes dans le secteur extractif. Le rapport montre que les femmes représentent 5% des cadres supérieurs des 25 grandes entreprises des secteurs minier et pétrolier au Sénégal. Cependant, force est de constater que globalement, hommes et femmes confondus, les cadres sénégalais ne représentent que 48% de cette classe professionnelle.

Comme l’estime Awa Marie Coll Seck, Présidente du Comité national de l’ITIE Sénégal :

« Nos données sur la représentation des sexes dans les industries extractives constituent la base du débat et des initiatives visant à donner aux femmes les moyens de participer davantage aux activités du secteur et de mieux contribuer à l’économie du Sénégal ».

  • À qui profitent les revenus?

Les femmes bénéficient elles des retombées financières qui proviennent des ressources extractives ? D’après une analyse de l’Institut de gouvernance des ressources naturelles (NRGI) de 2017,  qui porte sur  « l’indice de gouvernance des ressources naturelles », les femmes vivant dans les pays tributaires des ressources minérales connaissent souvent une plus grande inégalité en matière de distribution de la richesse et de respect de leurs droits.

Dans certains pays, les facteurs socioculturels qui confèrent aux femmes un statut particulier les restreignent à la sphère domestique et aux rôles marginaux, le taux élevé d’analphabétisme dans les zones rurales, sont autant d’obstacles pour l’épanouissement économique des femmes. Cela conduit souvent à leur attribuer un rôle marginal dans la chaîne de valeur, rôle qui s’exerce dans des conditions très désavantageuses.

Les femmes disposent rarement d’un permis ou d’une licence d’exploitation et ne sont quasiment jamais détentrices d’un titre de propriété. Cela est dû essentiellement au manque d’autonomisation financière car, pour être propriétaire d’un carré d’exploitation, s’acheter un permis ou même devenir négociante, il faut disposer d’un capital d’investissement.

Avec les projets extractifs, les femmes perdent leurs terres. Les moyens de subsistance traditionnels sont perdus. Certaines femmes recourent au travail du sexe pour subvenir à leurs besoins, augmentant ainsi le risque d’être les victimes de violences sexuelles et basées sur le genre.

  • Quelles mesures doivent-être prises?

Pilier de stabilité socio-économique et vecteur de revenus en Afrique de l’Ouest, paradoxalement la femme reste le maillon faible dans le secteur des industries extractives. Il est vrai que des efforts majeurs ont été réalisés, cependant il reste de nombreux défis à relever pour que les femmes puissent avoir un statut privilégié dans le secteur extractif. Pour atteindre cet objectif, cela passera par la mise en œuvre de principales stratégies propices à l’instauration d’industries extractives inclusives comme :

  • l’intégration de la dimension genre dans les politiques de contenu local ;
  • le partage de façon équitable entre hommes et femmes des revenus issus des ressources extractives ;
  • l’amélioration de la formation et  du développement des compétences des filles et des femmes ;
  • encourager l’investissement dans les infrastructures partagées dans les zones d’exploitation des ressources extractives ;
  • définir des instruments de gouvernance de l’exploitation artisanale et à petite échelle afin de réduire les formes de violence dont les femmes y sont victimes ;
  • réduire au minimum les pertes des moyens de subsistance des femmes en faisant preuve de diligence raisonnable pour pallier les retombées sociales et environnementales, et créer davantage d’emplois ;
  • inciter et encourager l’implication et le leadership des femmes dans les organisations de la société civile et dans les instances de prise de décision du secteur, comme l’ITIE ;
  • renforcer la participation des femmes dans les groupes multipartites ou encore consolider le rôle de l’ITIE dans la promotion des droits des femmes.

 

Cet article a d’abord été publié sur le site du média Droit dans ses bottes. 

Repenser l’efficacité et l’inclusivité des coalitions de PCQVP en des temps difficiles

Études de cas de Bantay Kita-PCQVP Philippines, PCQVP Malawi et PCQVP États-Unis.

Pour préserver leur efficacité, leur pertinence et leur inclusivité, les coalitions doivent s’adapter à l’évolution des circonstances, ainsi que des obstacles et des défis rencontrés. Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) a mené des recherches portant sur trois coalitions nationales, aux Philippines, aux États-Unis et au Malawi, afin de découvrir comment ces dernières ont fait face aux difficultés et se sont adaptées pour renforcer leur rôle, en tant que réseaux de plaidoyer. Ces trois études de cas présentent des exemples inspirants démontrant comment une coalition peut réorienter ses objectifs, revoir sa mission et assurer l’inclusion efficace de membres toujours plus diversifié·e·s.

 

Dans le cadre de ses recherches, le secrétariat international de PCQVP s’est entretenu avec les coordinateur·rice·s des coalitions nationales afin d’élaborer des études de cas pour PCQVP Malawi, PCQVP États-Unis et Bantay Kita-PCQVP Philippines. Ces cas prouvent que la forme arborée par les coalitions nationales de PCQVP est largement déterminée par leur objectif, leur contexte, la vision portée par la direction et les aspirations des membres, et qu’elle évolue idéalement en réponse à des défis majeurs.  

 

Dans les études de cas rassemblées, ces défis, identifiés par les coordinateur·rice·s nationaux·ales, sont les suivants :

 

  • comment réorienter la coalition pour agir au-delà de l’obtention de divulgations et renforcer la redevabilité (au Malawi) ;
  • comment revoir la mission de la coalition et veiller à sa pertinence pour les membres dont l’intérêt ne se limite pas à la transparence et s’étend à des sujets tels que les « décisions liées à l’extraction » (aux États-Unis) ;
  • comment s’assurer que la coalition peut fonctionner efficacement, tout en incluant des membres de plus en plus diversifié·e·s, ayant des priorités différentes et des points de vue divergents en matière d’extraction (aux Philippines).

 

Malawi : réorienter les objectifs dans des circonstances délicates

 

En 2020, à la suite d’un scandale impliquant des actes de corruption, PCQVP Malawi a commencé à aller plus loin que la divulgation de données par le biais des rapports de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). En effet, la coalition a également décidé d’ utiliser le processus ITIE pour exiger des réformes visant à lutter contre les pratiques de corruption. Cependant, la coalition s’est retrouvée dans une « impasse » face au gouvernement, qui l’a menacée de se retirer du processus ITIE. 

 

Alors que PCQVP Malawi devait redoubler de vigilance pour poursuivre un dialogue influent avec le gouvernement, la coalition n’était pas prête à continuer de travailler sur un processus qui conduisait seulement à la création d’un plus grand volume de données. PCQVP Malawi, en tant que coalition relativement « jeune » (fondée en 2015), s’est rapprochée des coalitions sœurs de PCQVP de la région pour découvrir comment elle pouvait atteindre une véritable redevabilité par le biais du processus ITIE dans des circonstances aussi délicates.  

 

Les coalitions se façonnent en fonction de l’évolution des circonstances, des obstacles et des défis. Grâce à l’échange d’expériences et d’approches avec les coordinateur·rice·s nationaux·ales voisin·e·s, PCQVP Malawi a renforcé sa confiance et sa détermination. Inspiré·e·s par leurs pair·e·s, les membres de la coalition ont réfléchi ensemble et convenu d’une nouvelle stratégie de coalition qui se concentrait sur l’identification exacte des objectifs envisageables, réalistes et souhaitables vis-à-vis de la participation à l’ITIE, au-delà de la production de données supplémentaires. Cette démarche s’est révélée particulièrement importante étant donné les capacités des membres liées aux processus ITIE.

 

États-Unis : repenser les missions pour ranimer la coalition

Pour PCQVP États-Unis, l’ajustement du modèle de coalition a été motivé par la frustration liée aux difficultés rencontrées en vue d’atteindre son objectif principal : l’adoption et la mise en œuvre de règles relatives à la divulgation des revenus. Alors que le fonctionnement de la coalition américaine intégrait de nombreux attributs que les praticien·ne·s-théoricien·ne·s emploient pour caractériser les coalitions hautement efficaces, la coalition a été frustrée dans la réalisation de son objectif clé en raison de la capture par l’État des intérêts liés aux combustibles fossiles, un facteur qui n’était pas explicitement pris en compte dans l’approche de la coalition. PCQVP États-Unis a dû relever un autre défi : conserver sa pertinence aux yeux de la société civile nationale et des communautés de plus en plus préoccupées par des questions autres que la divulgation des revenus, notamment la nécessité de faire face à des projets extractifs destructeurs. 

La coalition PCQVP États-Unis a donc créé un espace pour revoir ses objectifs « initiaux », ainsi que pour discuter de sa contribution potentielle à la lutte contre la malédiction des ressources. Cela impliquait également de réfléchir à la stratégie de la coalition pour s’attaquer aux forces supérieures qui l’empêchaient d’atteindre son principal objectif fondateur : garantir la transparence des revenus.   

Cette approche a insufflé un nouvel élan et entraîné un remodelage de la coalition à des fins d’adaptation à un collège très diversifié de membres, ainsi qu’à l’évolution de leurs priorités et aspirations. L’étude de cas décrit certains des défis et des avantages de ce processus de redéfinition des missions et, comme pour PCQVP Malawi, l’importance d’établir un leadership féminin solide pour le faciliter.

 

Philippines :  intégrer des membres de plus en plus diversifié·e·s

L’étude de cas des Philippines, tout comme celle des États-Unis, décrit également l’adaptation d’une coalition PCQVP aux exigences qu’impliquent la diversité et l’inclusion. Pour Bantay Kita-PCQVP Philippines, le défi consistait à créer un modèle de coalition répondant à la diversité de ses membres, qui s’étendent des groupes communautaires ouvertement opposés à l’extraction aux organisations nationales axées sur le renforcement des avantages publics provenant de l’extraction. 

Face à ce défi, Bantay Kita a élaboré un modèle d’organisation en vue d’établir un équilibre en matière de formalisation (une ONG formelle et enregistrée comptant un secrétariat, un financement international, une stratégie, des objectifs, des cibles, des politiques, des systèmes de gouvernance, etc.), tout en préservant et en privilégiant une inclusion significative des membres, notamment des groupes communautaires. 

Bantay Kita-PCQVP Philippines cherche à maintenir cet équilibre grâce à des relations avec ses membres fondées sur une consultation ouverte et continue, sur la confiance et sur un engagement visant à faire résonner la voix de la communauté. L’étude de cas décrit les pratiques de la coalition qui lui permettent de fonctionner efficacement et de dépasser le cadre étroit de la transparence.

 

La recette du succès : instaurer la confiance et l’inclusivité, effectuer un suivi de l’objectif, revoir les stratégies

Les trois études de cas démontrent le rôle essentiel joué par l’instauration d’un climat de confiance dans la création d’une coalition fonctionnelle, ainsi que la nécessité pour les membres et les dirigeant·e·s de la coalition de mettre en place un suivi permanent de l’objectif de la coalition et de veiller à sa pertinence, ainsi que la nécessité de revoir régulièrement la stratégie.  Les études de cas mettent également en évidence certaines bonnes pratiques des coalitions qui favorisent l’atteinte de ces objectifs (des conseils supplémentaires sur les « meilleures pratiques » des coalitions provenant d’autres sources sont formulés à la fin de l’étude de cas américaine).

La réorientation, l’élaboration de nouvelles stratégies et le renforcement de l’inclusivité seront probablement des priorités auxquelles de nombreuses coalitions de PCQVP devront faire face à mesure que la mission évolue : de son objectif initial de transparence à un ensemble plus large de préoccupations communautaires et liées à la redevabilité.

Sharing lessons learned by coalitions for the benefit of peer organizations is one of the key objectives of the Vision 2020-2025 strategy . These case studies and other network resources can be used by other PWYP coalitions facing similar challenges, and spark conversations across the PWYP network so that the coalitions exchange ideas on how to deal with these challenges.